samedi 19 février 2011

Une journée ferroviaire dans la vie d’Eugène Gabriel KOPP


      Journée de neige…
      Beaucoup de neige ? Énormément !
      Connu en Alsace ? Peut-être, mais depuis longtemps je n’avais plus pelleté tant de blanc : j’avais passé le dimanche après-midi à fabriquer de la congère jusqu’au coucher du soleil afin de pouvoir sortir Titine dès potron-minet. « Titine », bien sûr, c’est la voiture. Et potron-minet, c’est six heures du matin, minimum syndical chemindeferrique.
      J’allais à Paris ! J’allais à Paris…
      De chez moi, la gare est à cinq minutes, et sauf glissades, rien ne m’empêcherait d’embarquer dans le 16m40 !
      L’heure, c’est l’heure ! Ce fut l’heure malgré le climat : nous ne faisions que retrouver d’anciens hivers et le tortillard, même modernisé, paraissait en terres connues : il chargea sa ration d’élèves, d’esclaves et d’excursionnistes pour la caraïbe strasbourgeoise, blanche elle aussi, en l’occurrence.

      Le TGV, machine moderne sans âme et tradition, sembla d’une autre humeur. Après quelques dizaines de kilomètres de fière et rapide circulation, il dut en rabattre et, donnant de la voix, annonça, contrit ? une demi-heure de retard.
      L’extinction de voies nous frappait. La neige faisait sonner rauque le rythme du train.
      Moi qui avais planifié sans le général hiver, mais avec le redoux planétaire, l’aménité thermique promise par les cieux, j’étais confronté à un premier possible ennemi ! Mais j’avais décrété aussi que rien ne pourrait endeuiller ou pétrir d’angoisse le sourire que cette journée m’envoyait.
      Je ne me laisserais pas impressionner !

      Comme on vendait des tickets de métro dans le train, il ne restait qu’à sauter, dans la rame, gare de l’Est, direction Porte d’Orléans, et à sortir, plus précisément : Odéon ! à la minute près – après Dupuytren, la rue, pas la contracture – la porte du 16, rue Monsieur le Prince…
      Ouvre sur une salle pleine comme un œuf… Il y avait encore quelques places. Une au premier rang. Et quelques minutes plus tard, le rituel (mais qu’en savais-je) démarrait…

      Allocution du président de la SPF ; passation de parole au vice-président chargé des prix littéraires ; procédure en plusieurs temps : petite introduction historique et littéraire sur le poète patronnant la distinction, présentation du poète élu, de son œuvre, remise de diplôme, remise de médaille, serrage de pognes, séance de photo concomitante, pour finir avec la lecture d’un ou deux poèmes de l’œuvre couronnée. La lectrice, émue et prise au dépourvu, mais de bonne volonté, avait — comme il se doit — des soucis dans les styles libres, libérés et modernes, aucun avec les textes classiques et néo-classiques.

      Ainsi, vaille que vaille, entre les présents, les absents représentés ou non, les défunts, on arriva à l’apéro, court et bon enfant. Le restaurant, dix mètres plus haut dans la rue, nous servit un couscous maghrébin très fouillé, accompagné de vins, rouges ou rosés sympathiques.
      La journée valant qu’on sursoie à la diète, je fis honneur au déjeuner et après deux heures de discussions, de joyeux tapage et de francs amusements, on se quitta vers 16 h.

      Rendus à la gare, tous les voyageurs apprirent que les Très Gravement Valétudinaires nouveaux rapides avaient, cette seconde fois pour la journée, une heure de retard et que notre correspondance pour les campagnes profondes était compromise ! La suite au lendemain ? Dans un hôtel strasbourgeois à proximité de l’arrivée ? Voire !

      Dans le train, l’aimable contrôleur — cela mérite d’être souligné — interrogé nous précisa avec un sourire qu’un autobus de la SNCF partirait pour une ultime virée dans les nuits neigeuses vers 21 h 55. Inconscients, nous en fûmes rassurés : la balade, sportive, glissante et duraille, obligea les transportés à tirer leur chapeau aux vaillants automédons du rail sans rails ! Rentré à 23 h 30 ? Après ce que la journée m’avait apporté, ces retards étaient indiscutablement bénins, voire bénis !
      Me voici donc, primé et à pied d’œuvre pour une livraison d’actualité en ce carnet virtuel : vraiment, à présent que me voilà un homme public, il est temps que j’apprenne à endormir le public…

1 commentaire:

Rémi a dit…

Bien l'bonjour Gabriel,

Si la SNCF fait toujours appelle à ses autobus pour pallier aux retards de ses trains, elle devrait se reconvertir dans le transport routier.
Sinon on peut remettre au goût du jour les voyages en calèches ; c'est sympa les chevaux !
On peut aussi développer les transports fluviaux.
Quitte à être en retard, autant prendre son temps.

Bonne journée !