mardi 25 novembre 2008


Méditation N°104



C’est d’abord un geste. Prendre une plume, la poser sur le papier et ensuite osciller dans le couloir du train en marche. Peu souvent nous marchons droit, plus souvent des incidents nous font toucher les parois. A ces endroits s’écrivent les contusions des rêves. Alors cela devient une geste.

Méditations Incongrues, extrait du vol. IV :Le fil et le nœud

Route d'automne



Soc, sillon
Pré gorgé
Ciel d’ardoise
Nids tombés
Le gui se faufile aux fenêtres des branches
Les oiseaux noir dense y dansent boiteux ;
Traînant la guibolle des fourgons morveux
Sur les routes fondent à l’heure blanche
Bitume, néons
Lignes grisées
Ciel de plomb
Gravier lancé
La vitre se brise et le froid couronne
Le regain mort. Les pneus ronronnent
Sans fin dans la bise, tôles bossues. En chemise
De nuit sous le dais faseyant, le monde dort.
Bruits de lions
Forêts de serpents
Sinueux buissons
Lianes accrochées par le vent
Du coin de l’œil, j’ai cru voir un homme
Se balancer dans les arbres ! Un fantôme
De jungle ou de pendu ? Sur le Rhin en hiver
Hallali et remous, péniches ou bien cerfs ?
Immeubles furtifs
Ciels entrevus
Trottoirs lascifs
Et piétons perclus
Sous ce froid comme tout ou rien qui vive
Pas âme ni roc ne bouge. Couverts de givre
Quelques êtres de toc, et des pas, s’enivrent
De scotch, neige sur goudron, aux glaçons perdus.
Cataractes !
Catadioptres…
Bruine sournoise
Brume tendue.

Un instant d'affolement

[…]
Il aurait signé le bail et se serait sauvé en disant à la cantonade qu’il avait un autre rendez-vous après la fin des temps. En tous cas, depuis, on n’a plus eu de nouvelles… Que pensez-vous de ça ?
Pas payé pour penser ? Ben voyons… »

Il avait juste l’air d’avoir soixante-cinq ans. Des apparences un peu ridées. En ces temps pas encore un vieil homme, la barbe pourtant blanche et le reste du poil aussi.
Cet hiver-là était sur sa tête et sur sa face depuis longtemps.
Et même s’il n’était pas tout à fait moderne, sans toutefois manquer d’imagination, pas tout à fait prêt à accepter les évolutions sociales et personnelles, que l’âge leur donne une valeur excessive ou qu’il en soit la cause, depuis récemment il sentait les choses vaciller d’une autre manière. D’un jour à l’autre son esprit se prenait à flageoler sur la partition de l’angoisse, ou le monde à gigoter dans ses arceaux. Certains matins, quand le froid et la neige lui murmuraient un passé, quand les arbres blanchis crissaient sous la prise du givre, quand il lui semblait entendre de très loin des chants et des comptines, il se surprenait à considérer et à chiffrer les anciens bordereaux de livraison : souvenirs et souvenirs.
Et sous ses yeux las ils se mettaient à l’unisson, eux aussi, à une danse de Saint Guy intérieure, fiesta et confettis, pas seulement faite de neurones défaillants ou d’impatiences, mais aussi d’espoir et de prière. Ils bougeaient devant ses yeux, les papiers bleus, doubles roses et triples jaunes, aussi fins que les feuilles sèches de l’automne à la fraîche tombée.
Il était parti faire une balade. Afin de s’oxygéner un brin. Sans penser à rien. Il faisait ainsi tous les soirs. Histoire d’honorer le crépuscule pourrait-on dire... Il respirait bien à fond et lentement : ses idées se clarifiaient.
Quand il avait vu la chauve-souris clouée sur la porte d’entrée, sa pensée avait recommencé à fonctionner à haut régime, alors qu’elle venait tout juste de proposer une douce léthargie vespérale. Le réveil s’était fait de manière moins honorable, moins graduelle qu’au matin. Moins claire aussi, en dépit de toutes ses injonctions au calme.

Il n’avait pas évoqué d’emblée les plaies d’Egypte de la mythologie locale. Il avait pensé d’abord que l’alcool finissait par avoir raison de son dernier neurone. Ensuite, que des neurones en quantité n’avaient jamais été des gages d’intelligence, ni de perception adéquate à la réalité et de la réalité, ni de sobriété. Et il n’avait rien bu depuis bien plus d’une génération.
Quelque part, son raisonnement à lui, l’esprit de Noël, depuis sa mort à elle, était resté. Entier ? Bloqué ?
Et son mental battait la breloque. Depuis…

Clouée !
En croix !
La chauve-souris était clouée en croix !
Et sur les portes des voisins, pas mieux ! Collés ou cloués, d’autres animaux pantelants, mammifères ou insectes, finissaient leur piteuse agonie entourés des signes incompréhensibles pour les hommes, écrits avec un liquide rouge poisseux, soulignés de traits blancs. Comme si une vilaine et vieille blessure s’était rouverte sur des chairs pas tout à fait nettes. Sa première pensée cohérente le surprit :
« On aurait aussi bien pu clouer d’autres rongeurs sur les… »
Il formula « échappées » et saisit la teneur allusive du message.
On avait retrouvé sa trace.
[…]

Extrait de Supplique pour la dépénalisation de l’adultère en décembre du recueil Mécomptes de Noël

Méditations n° 112 et 322


112 – Certes, certes, on pourrait peut-être marcher assez vite pour traverser le fleuve sacré sans barque... Et alors ?
322 - La solitude ne peut pas te peser ! Tu es habité par tant de sottises évanescentes que tu as toujours de la compagnie.


Méditations Incongrues, extraits du volume 7, tome 1 et 3 : Le porteur et son joug

dimanche 16 novembre 2008

Charabia pédagogique ?



Sans paraphraser Vygotsky, on peut observer que l'élève, par la production d'un corpus d'observables, s'oriente vers des itérations structurées. Mais c'est bien l'affordance qui, en provocant une situation d'échange, nous conduit à l'idée que la pédagogie de la différenciation n'est pas une pédagogie structurelle. Connectons-nous sur le réel : un enfant (vous savez, un de ces petits gnomes repoussants) affecte de ne pas comprendre la merveilleuse mise en situation théorique que vous aviez pensée et construite pour lui ? Le corpus des ressources stratégiques nous conduit alors à une réponse adaptée : déchirez-lui ses images Pokémon !