« Les rêves sont rassurants.
Depuis qu’on a décrété leur mystère, on peut se reposer sur ses deux oreilles. Rien de ce qui y apparaît n’a de rapport direct avec une réalité quelconque. Tel est le postulat. Si je m’y vois perclus et chenu, c’est un symbole personnel, à décoder. Ce n’est en aucun cas parce que je suis courbé sous le fagot des ans et les brindilles des jours.
Voilà qui peut être apaisant.
Je venais de me lever. La tête encore dans les fariboles d’un rêve époustouflé, j’ai entrevu au passage un visage que j’avais du mal à reconnaître.
La salle de bain est froide. Le printemps a encore du mal à se manifester. Combien de printemps ? Mon identité aussi a du mal à se manifester. Combien d’identités ? Je fais un pas en arrière. C’est moi. Le cheveu en bataille, la mine enchifrenée, les yeux engoncés dans quelque fatigue, résiduelle depuis trop longtemps pour n’être encore que de la fatigue. Elle est déjà poche de résistance, tête de pont sur tête de lard ! Assez longtemps pour être de l’être.
C’est le miroir, oui !
C’est le miroir ! Il me vieillit.
Combien de miroirs ?
Le tain fiche le camp. Je ne vois qu’un mur tapissé dans la transparence du verre déshabillé, constellé de gris et de bruns. Pas autre chose que de méchants joints de tapisserie qu’on a planqués là derrière. Ils apparaissent maintenant parce que le teint de la glace est brouillé. Ils montrent une réalité de taches et de sutures péniblement maintenue.
Brossage de dents… Il faut, que j’en change, cet engin, le tube dentifrice, transfiguré en mot, mérite, presque vide, en mots, lui aussi, d’aller compléter, le dictionnaire, la liste des courses… des volumes et des volumes de paperasses paperassières, de griffonneries griffonnières, pesamment entassées en couches immortelles souillées et graduelles… Des tas ! Des tas de tas ! Des labyrinthes de tas. Un vaisseau à la Robur : on devrait garder toutes les listes de courses qu’on fait dans la vie - quelle philosophie – pour un jour, formées en navire doté de voiles catafalques, décoller. On saurait même quoi brûler. Et tiens ! D’autres collections encore, volantes, roulantes ! On devrait garder ses vieilles billes aussi ! Celles en terre et celles en verre, celles en fer et celles en photos. Regarde mon petit, cette tronche bâclée, cette bille de clown avec ses ailes de papelards froissés ! C’est ton trisaïeul du côté du cousin issu de germain et de sophie. Ha ! Quelle sagesse… Voulez-vous une biographie ? Une collection de biographies ? Un système de navettes qui userait tout juste la trame, avec au bout des circuits, patatras, le motif ! La liste des courses, les poches pleines de billes...
Crache ce savon au lieu de délirer. Lave-toi le nez, rase-toi cette barbe naissante – au moins encore quelque chose de naissant -, elle ne te rajeunit plus.
Il paraît que dans la tombe, les ongles et les cheveux… Halte ! Tous les écrivains qui se respectent et se piquent de quelque inquiétude, métaphysique au minimum, l’ont déjà faite, celle-là. Si tu t’avises de l’écrire, tu n’apporteras rien. Ceci est déjà un fait !
Ne te répète pas, vieux ! »
Depuis qu’on a décrété leur mystère, on peut se reposer sur ses deux oreilles. Rien de ce qui y apparaît n’a de rapport direct avec une réalité quelconque. Tel est le postulat. Si je m’y vois perclus et chenu, c’est un symbole personnel, à décoder. Ce n’est en aucun cas parce que je suis courbé sous le fagot des ans et les brindilles des jours.
Voilà qui peut être apaisant.
Je venais de me lever. La tête encore dans les fariboles d’un rêve époustouflé, j’ai entrevu au passage un visage que j’avais du mal à reconnaître.
La salle de bain est froide. Le printemps a encore du mal à se manifester. Combien de printemps ? Mon identité aussi a du mal à se manifester. Combien d’identités ? Je fais un pas en arrière. C’est moi. Le cheveu en bataille, la mine enchifrenée, les yeux engoncés dans quelque fatigue, résiduelle depuis trop longtemps pour n’être encore que de la fatigue. Elle est déjà poche de résistance, tête de pont sur tête de lard ! Assez longtemps pour être de l’être.
C’est le miroir, oui !
C’est le miroir ! Il me vieillit.
Combien de miroirs ?
Le tain fiche le camp. Je ne vois qu’un mur tapissé dans la transparence du verre déshabillé, constellé de gris et de bruns. Pas autre chose que de méchants joints de tapisserie qu’on a planqués là derrière. Ils apparaissent maintenant parce que le teint de la glace est brouillé. Ils montrent une réalité de taches et de sutures péniblement maintenue.
Brossage de dents… Il faut, que j’en change, cet engin, le tube dentifrice, transfiguré en mot, mérite, presque vide, en mots, lui aussi, d’aller compléter, le dictionnaire, la liste des courses… des volumes et des volumes de paperasses paperassières, de griffonneries griffonnières, pesamment entassées en couches immortelles souillées et graduelles… Des tas ! Des tas de tas ! Des labyrinthes de tas. Un vaisseau à la Robur : on devrait garder toutes les listes de courses qu’on fait dans la vie - quelle philosophie – pour un jour, formées en navire doté de voiles catafalques, décoller. On saurait même quoi brûler. Et tiens ! D’autres collections encore, volantes, roulantes ! On devrait garder ses vieilles billes aussi ! Celles en terre et celles en verre, celles en fer et celles en photos. Regarde mon petit, cette tronche bâclée, cette bille de clown avec ses ailes de papelards froissés ! C’est ton trisaïeul du côté du cousin issu de germain et de sophie. Ha ! Quelle sagesse… Voulez-vous une biographie ? Une collection de biographies ? Un système de navettes qui userait tout juste la trame, avec au bout des circuits, patatras, le motif ! La liste des courses, les poches pleines de billes...
Crache ce savon au lieu de délirer. Lave-toi le nez, rase-toi cette barbe naissante – au moins encore quelque chose de naissant -, elle ne te rajeunit plus.
Il paraît que dans la tombe, les ongles et les cheveux… Halte ! Tous les écrivains qui se respectent et se piquent de quelque inquiétude, métaphysique au minimum, l’ont déjà faite, celle-là. Si tu t’avises de l’écrire, tu n’apporteras rien. Ceci est déjà un fait !
Ne te répète pas, vieux ! »
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