mardi 16 octobre 2012

Souffle d'art...


Depuis trois ans maintenant, je participe à cette petite manifestation qui se déploie sous la férule attentive de Jean Paul Ernewein, peintre et sculpteur de talent, ami fidèle et solide. Les poèmes que j’ai composés sont dorénavant assez nombreux et affinés pour que je me débrouille de les faire publier. Surveillez les nouvelles sur ce blog.
En attendant, voici un article de Patrick Gardon paru dans les DNA du 25 septembre et une adresse internet où figure un joli compte-rendu audiovisuel.


Soufflenheim Association Souffle d’art - Soufflenheim De l’art au fond des bois


Artistes et public étaient au rendez-vous pour une ballade entre art et nature dans la forêt de Koenigsbrück. PHOTO DNA

L’association culturelle Souffle d’art de Soufflenheim a réédité pour la troisième fois, dimanche, son sentier de l’art au milieu de la forêt de Koenigsbrück. Le beau temps a contribué au succès de la manifestation.

L’association culturelle Souffle d’art de Soufflenheim présidée par Jean-Paul Ernewein a une nouvelle fois mis les petits plats dans les grands. Autour du refuge des Amis de la nature et des oiseaux, seize artisans du pinceau avaient installé leurs chevalets pour immortaliser des coins de nature autour de l’ancien étang de pêche local. Dissimulés derrière des haies ou des bambous, ils ont laissé s’exprimer leur inspiration.

Arabesques virevoltantes
À la gouache, au fusain ou au couteau, les tableaux prenaient forme sous l’œil d’un public étonné par tant d’habileté et de maîtrise.

Les neuf sculpteurs présents ont fait l’objet de toutes les attentions en offrant une pléiade de pièces en cuivre, en bois, en résine ou en céramique, exposées entre les buissons, au bord de l’eau. Des nus aux arabesques virevoltantes, les œuvres se déclinaient sous toutes les formes et arboraient les couleurs les plus folles.

Dans cet univers, les yeux et les esprits étaient interpellés à chaque station. Un monde original parsemé d’audace et d’originalité où le promeneur du dimanche était guidé par des galets posés au sol et agrémentés de mots-clés comme « amour » et « émotion », un monde où des toiles blanches étaient accrochées ça et là pour magnifier le lieu, où des poèmes étaient dédiés aux œuvres…
Quelques membres de l’association ont lu des textes écrits par six poètes qui s’étaient inspirés des sculptures.
Pour offrir une relaxation profonde, un groupe a présenté au courant de l’après-midi des exercices de tai-chi-chuan, un art martial réalisé au travers d’enchaînements requérants de la souplesse, de la coordination dans les mouvements et une respiration contrôlée. Tout un programme qui a séduit le nombreux public venu parcourir le sentier de l’art.

La prochaine manifestation de l’association Souffle d’art aura lieu du 1 er au 4 novembre lors de l’exposition artistique au Céram, à Soufflenheim.
DNA 25/09/2012

Et sur les écrans de la télévision locale :


M’y trouvez-vous ?
À la 3e minute du documentaire, un de mes poèmes est lu par Madeleine Schneider, plasticienne. Un second se discerne en 20e minute, balbutié par votre serviteur. En voici les textes.


Je rêve de laisser des traces éternelles dans la neige des sommets,
De jouir des vertiges qui me tiennent au monde
De contempler les cimes qui valsent à la ronde
Que les glaciers géants corrodent guillerets.

Je rêve de semer des fleuves dans la neige des adrets.
Je verserais du ciel la coupe de mon front et mes larmes qui fondent ;
Je jaillirais dans les plantes et les champs d’herbes blondes
Chuchotant aux étoiles quelques nouveaux secrets.

S’il est un soir, un rayon vert, une seule lumière
Elle sera pour moi, pour mes pas éphémères :
De mon labeur solitaire je m’y consolerai.

Flux éternels, cieux et nuits sans fin, peut-être alors,
Seulement pourrai-je imaginer, célestes vos corps…
Comme Tycho, à tous ces instants de veille et de guet.




De l’ombre est né un arbre et de l’arbre un oiseau, de l’oiseau est né le ciel et du ciel un pipeau, du bois est née une musique, et de la musique un oiseau : écoutez le chant de l’arbre…
De l’oiseau est née une aile et de l’aile un ruisseau, de la fontaine une margelle et du puits un tonneau : buvez un vin clairet
De la table est né un chapiteau, de l’abri glissa une ombre, et de l’ombre vint un arbre… et de l’ombre de l’arbre s’envola un oiseau.




FEUILLETON !



Pour tous ceux qui se manifestèrent : un grand merci et la suite de

RÊVEURS

Si vous voulez le prochain, le jeu continue !


— Second épisode —

Au pied d’une montagne dans les villages, une nouvelle sème l’inquiétude : un rêveur vient de mourir. On s’empresse d’en chercher un autre.


La petite sorcière me suivait depuis maintenant plus d’une heure. Ses efforts pathétiques pour passer inaperçue me firent sourire. Je n’avais plus le sens de l’humour depuis longtemps, et la résurgence de cette émotion m’étonna comme peut étonner un signe de faiblesse dont on a cherché à se débarrasser et qui fait un retour inopportun.
Je tournai ostensiblement le coin de la rue qui menait chez moi et traînai des pieds un instant avant de franchir la porte. Autant que je me divertisse un peu à ses dépens. Je refermai l’accès en bois incanté — je l’avais préparé quand j’avais emménagé ici — et m’installai avec un soupir las, les lombaires reconnaissantes et douloureuses, en haut de la volée de marches qui montait à mes chambrées. J’ouvris mes sensations…
Peu de temps après, je l’entendis murmurer des mots bien trop prévisibles dans la trame et je vis une forme floue traverser les fibres de chêne. Je me contentai de souffler sur elle, comme on joue à se renvoyer une plume quand on est gamin. Elle fut repoussée par la brise, mais retenta le coup à plusieurs reprises. Avec le même effet : un souffle et une éjection. Cette persévérance dans l’erreur était un défaut. J’allais la corriger. Son dernier effort fut celui où je la coinçai d’une bise éloignée sur la joue. Elle secoua le passage et la porte jusqu’aux ferrures, mais elle resta engoncée, le visage dans une nodosité du bois, une partie du corps dans son fil, en me regardant d’un air affolé et tragique.
Je descendis vers elle :
« Eh oui, c’est la vie ! Parfois on sent le sapin avant même d’avoir traversé un chêne. Sale boulot, n’est-ce pas ? »
« Non, ne cherche pas à philosopher, je n’ai pas isolé tes neurones sensitifs, tu risques d’avoir très mal. Je te libèrerai un peu si tu réponds à une question. Cligne des yeux une fois, si tu es d’accord. »
Elle cligna une fois. Intelligente petite bête. Je relâchai la pression en retirant une partie de mon baiser. « Baisers envolés », ça me remémorait une balade qu’un de mes maîtres chantait souvent. Je sifflotai… Elle hoqueta de souffrance :
« Qui, qui êtes-vous ? 
— Non, non ! Alors non ! Franchement ce n’est pas du jeu ! J’avais dit que c’était moi qui posais les questions. Tut tut. »
J’agitais un index professoral devant son nez et la regardais loucher.
« Maiaiaiai… »
Je n’avais pourtant pas invoqué de modificateurs caprins…
« Bon, un mot de plus pour prouver ton absence de contrôle de toi-même et je prophétise qu’il va t’arriver un malheur. »
J’inspirai. Elle dut entendre le début de la rumeur, car elle vira au vert pâle, et au silence le plus total.
« Voilà ! C’est mieux. Alors, juste une question. En trois mots, cela ne devrait pas excéder de beaucoup tes capacités intellectuelles, ma petite. Tu as toutefois peu de temps pour répondre. J’ai très mal au dos et je suis irritable dans cet état ; alors, pèse bien tes paroles. Prête ? J’y vais ! Qui t’envoie ? 
— Je ne sais pas, croassa-t-elle. 
— Très mauvaise réponse. Finalement je me serai trompé sur le peu d’intelligence dont je te gratifiais. Ma patience est très limitée, petite. Tu entends la rumeur n’est-ce pas ? Tu sais ce qu’elle signifie et tu sais que je ne l’ai pas arrêtée. Tu persistes cependant bêtement à courir le risque. »
Je me doutais qu’elle s’était déconcentrée un instant, mais à présent elle était à nouveau totalement opérationnelle. Elle donna très vite les réponses franches que j’exigeais d’elle, car elle savait assez bien estimer le temps restant avant que le brouhaha ne nous arrive dessus. Les dégâts seraient pour elle. J’étais l’envoyeur et ces vents topologiques animés ne pouvaient rien contre leur œil, moi en l’occurrence.
Je la libérai d’une pichenette en laissant toutefois mon estampille dans son âme. Elle demeurerait irrémédiablement inféodée sans qu’elle ne s’en rende compte, jusqu’à ce que je la lisse. Ça pouvait être pratique un esclave de plus.

Je me frottai les mains. J’avais enfin trouvé du travail. Une bande de guerriers se baguenaudait sans patron, dans un coin perdu du pays et d’amusants amuseurs auraient aimé que je n’en apprenne rien. Très maladroit ça ! J’avais un peu de numéraire dans mon bas de laine, mais pas assez pour cracher sur ce genre de sauterie martiale. Ni pour perdre de vue le nerf de ma guerre personnelle.
D’une part j’aurais eu l’information dès ma rentrée, d’autre part il ne faut jamais juger les gens sur leur apparence. J’entretenais depuis des années l’illusion de la vieille culotte de peau sur le retour, rébarbative à souhait, les cuirs défraîchis et tachés, les armes rouillées et les réflexes émoussés par les mauvais distillats, l’âme et les tactiques sombrant dans l’ennui et les toxiques. Suffisamment loin dans le temps et dans l’espace pour que plus personne ne s’interroge sur mon passé.
En tout cas ma tranquillité avait été rompue par la mort d’un rêveur naturel ; les paysans et les bourgeois refaisaient leurs inventaires à grands frais, et à part leurs provisions de bouche, ils s’intéressaient de très près à la liste des anciens chefs militaires encore en état de commander. Afin, bien évidemment, de les neutraliser par l’un ou l’autre sort de grabat bien ajusté — l’assassinat a de ces variantes ! — pas pour leur offrir une tournée et un petit repas gratuit.
Loupé mes agneaux. J’aimais l’argent autant que je n’aimais pas gouverner, mais j’aimais encore moins qu’on me force la main, surtout pas à la paralysie. Pour un vieux solitaire dans mon genre c’est mauvais pour sa vie sexuelle et ça rend irritable. Je n’aurais pas pris le job si on m’avait fichu la paix, pour le moins j’aurais hésité, mais maintenant j’allais m’amuser aux dépens de quelques mécènes indélicats…
Finalement, je rentrerais peut-être chez moi plus tôt que prévu.
Mon perroquet m’accueillit avec une bordée d’injures. La marine ne vous lâche jamais. Et ce volatile s’était attaché à mon épaule dès la première année de mon premier embarquement. C’est vrai qu’ils vivent centenaires ! Il faudra que je songe à le faire cuire proprement, ce bestiau bavard. Aux petits navets confits, et à l’ail. Avant qu’il ne soit trop vieux et qu’aucune étuvée ne puisse plus en faire autre chose qu’un mauvais brouet.

Qui est ce curieux, cynique et puissant barbon ? Que signifie pour lui, rentrer à la maison ?