mercredi 6 février 2019

L’âge arrive, mais ne vous inquiétez pas, je tremble encore !


Quelles nouvelles depuis l’an dernier ?




Photos Alex Grisward ©


Gabriel E. Kopp vise juste

Le Haguenovien Gabriel Eugène Kopp vient de publier Mélancolie Killers , un érudit polar d’anticipation. Ou quand certaines avancées scientifiques donnent des sueurs froides…
Gabriel
Cette fois-ci, il s’est frotté au polar. Avec Mélancolie Killers , paru au printemps dernier, Gabriel Eugène Kopp, livre un roman présenté par son éditeur, Rroyzz, comme « déjanté » — on n’en attendait pas moins de l’auteur haguenovien qui, quand il se lance, fait rarement les choses à moitié. À 67 ans, et bien qu’il ne publie ses créations que depuis 2008, Gabriel E. Kopp a déjà signé six recueils de poésie, cinq romans, un recueil de nouvelles et contribue régulièrement à des revues et des anthologies.

« La réalité a coiffé ma fiction au poteau »

Avec Mélancolie Killers , c’est la première fois qu’il explore l’univers du polar, mais ce n’est pas pour autant un hasard : « J’ai baigné dedans enfant, ma mère ne lisait que cela !» Pour autant, pas question de mettre de côté son attrait pour l’anticipation. Si ce dernier roman ne relève pas de la science-fiction pure et dure comme La Dernière Nécropole parue en 2009, l’auteur plante son décor dans une société où se sont imposées les nanosciences — les implantations sous la peau de « projecteurs holographiques infradenses » y deviennent monnaie courante, ouvrant de nouveaux horizons aux criminels et occasionnant des mutations pas jolies-jolies.
Malgré tout, Kopp souligne avec malice dès sa quatrième de couverture que cette fois, l’avancée des recherches des mathématiciens et physiciens « l’a pris de court ». Entre le moment où il a écrit les premiers chapitres — dès 2012, d’abord sous forme d’épisodes sur son blog — et la parution de Mélancolie Killers , « la réalité a coiffé [sa] fiction au poteau » : « Désolé lecteur, je voulais t’offrir une histoire de science-fiction, je ne peux plus que t’offrir un livre d’Histoire ». Si, heureusement, son imagination nourrie d’articles de revues scientifiques, a encore quelques longueurs d’avance, la violence d’un quotidien où l’assujettissement à une technologie dont les brevets sont détenus par quelques happy few se menant une guerre féroce, fait froid dans le dos… et semble loin d’être une simple chimère.

Entre Vautrin et Jason Bourne

Comme toujours, l’auteur alsacien manie la langue avec précision et érudition, avec un style reconnaissable lorgnant parfois vers le poème en prose, s’amusant dans tous les registres lexicaux — les mots rares et experts côtoient allègrement un langage beaucoup plus fleuri.
À commencer par celui de son personnage principal, le détective privé Jérémy « Daisy » Bihoreau, fils spirituel de « Vautrin ce merveilleux personnage cynique et pervers de Balzac, un théoricien avec beaucoup de bagout », dans le corps d’un « Jason Bourne — un tueur plutôt sympathique dans sa déchéance, non ? » Pas vraiment étonnant là non plus que Gabriel E. Kopp, cinéphile aussi averti qu’éclectique, s’inspire du 7e art. Il flotte d’ailleurs dès le début du roman une ambiance de films de détectives privés à l’américaine, en noir et blanc naturellement. Même si la suite du roman, de plus en plus explosif, va plutôt faire un tour du côté des blockbusters testostéronés. Car si l’humour est présent au fil des pages, il n’amoindrit pas toujours la violence des Mélancolie Killers — « tueur mélancolique, c’est d’ailleurs un pléonasme, précise l’ancien psychologue en milieu hospitalier. La mélancolie est une pathologie réelle et gravissime qui décrit une personne pour qui rien ni personne n’a de valeur… »
Pour sa part graphomane avéré et revendiqué, Gabriel E. Kopp a encore dans ses tiroirs deux recueils de nouvelles et trois de poésie, qui cherchent encore leur éditeur. Dans l’intervalle, le Haguenovien peint… avec la mesure qu’on lui connaît : il a achevé 70 toiles en deux ans. « À terme, je souhaite les réunir dans un ouvrage avec des poésies. » Kopp n’est vraiment jamais où on l’attend — une qualité de détective privé, non ?
                                                                                                            CÉLINE ROUSSEAU


Dernières Nouvelles d’Alsace
EDITION DE HAGUENAU >SECTEUR DE HAGUENAU EDITION DU 11/09/2018

Extraits de la 4e de couverture

« Lorsque Muriel Parmelan puis Emmanuel Millet publièrent la Dernière Nécropole (respectivement tome 1 et version intégrale) je savais que j’écrivais de l’anticipation […] La chronologie restait mon alliée. Aujourd’hui avec Mélancolie Killers, le livre que tu as entre les mains, cher lecteur, j’ai la certitude que les délais m’ont pris de court ! Un tour de cochon : la réalité a coiffé ma fiction au poteau !
Au-delà de la violence apparente de ce roman, une violence authentique bien pire s’est mise en place dans le quotidien du monde : elle assujettit les esprits, détruit les corps et la planète (si on peut séparer ainsi ces trois entités) en fournissant des jouets régressifs à des humains demeurés immatures. Mammon a assuré son règne ! Nous sommes tombés dans ses pièges imaginaires. La catastrophe « permienne » est en route.
Jérémy est d’ores et déjà obsolète : dans sa vie littéraire et dans la réalité qui nous entoure. Sa lutte et ses crimes sont du passé. Les récentes découvertes dans les domaines numériques, informatiques et électroniques font de mes contes et de mes fables sur cet avenir-là de vieilles lunes égrotantes dorénavant disponibles dans les boutiques, les objets de très secrètes recherches dans les panthéons scientifiques ou des actualités brutales dans des officines ultraspécialisées et discrètes… La sottise meurtrière n’a plus à être poussée par nos infantilismes, elle est désormais immaîtrisable.
Désolé lecteur, je voulais t’offrir une histoire de Science-Fiction, je ne peux plus que t’offrir un livre d’Histoire. »

L’image du double

Hommage à Vautrin et à Balzac et secondairement aux États de la lune.

Dans mon esprit troublé par l’écriture, lorsque j’ai entrepris la rédaction de Mélancolie Killers, il demeurait un auteur — un monde ! — auquel je devais signaler ma déférence : Honoré de Balzac ! Un des rares grands de la littérature (à part Proust) qui ne m’ait jamais ni déçu ni ennuyé. Et parmi ses figures, paradoxalement Vautrin ! qui ne m’a jamais mis en panne de fascination.
Eh oui ! Vautrin : le bagnard, l’assassin, l’élégant, le comédien, le mime, l’immoral, l’homosexuel, le bonimenteur, le menteur, le dangereux et efficace, le naïf et dupe Vautrin, est de mes idoles ! Mais, cher lecteur, rassurez-vous, Don Quichotte l’est aussi… Et dans Titi et Rominet, j’adore le chat et je lui souhaite à chaque fois d’enfin bouffer ce sale piaf ! Pourtant je déteste les chats ! Néanmoins un de mes personnages est un chat admirable dans une nouvelle qui paraîtra l’an prochain !
Contradictions ? Oui, pourquoi pas ! À mon avis, seuls les fous furieux prétendent ne pas être tissés de contradictions. Et je ne suis pas nuisible : je renonce à mes rêves avec une facilité déconcertante, car je les écris.
Je me devais donc d’inventer un autre héros qui soit un idéaliste, autant hors des normes et encore plus à craindre, si je voulais étayer ma prière votive. Jérémy fut celui-là.
Et je laisse volontiers, à qui soupire après l’inélégance, le pont aux ânes de la copie conforme du créateur dans sa créature. Cette banalité intellectuelle et ce théisme moral à la graisse de renoncule ne sont pas de mise pour moi. Je n’ai rien farci de moi en Jérémy ! Je ne m’y reconnais absolument pas !

Je suis Jérémy !

Prix et distinctions 2018

La ville de Denain, le festival Summerlied, les éditions Flammes Vives, l’exposition Souffle d’Art, m’ont distingué d’un récompense ou d’une contribution remarquée sur des thèmes aussi variés que, respectivement : le développement durable, la nouvelle cuisine SF au prix Daniel Walther, le sonnet néo-classique, le florilège de poèmes associés aux arts plastiques…

Revues et anthologies 2018

Parole et poésie, Chemins de Traverse, l’anthologie Flammes Vives, Écrits du Nord, ont publié de mes textes.

2019 : un père Noël précoce ce coup-ci !

Je n’aime guère tirer de plans sur la comète et je ne publie par ici (blog et FB) que des évènements arrivés… Pourtant, en 2019, on me donnera la possibilité de concrétiser une envie qui date de l’époque de mes premiers pas dans le monde de la nouvelle.
Ceux qui me lisent savent que nombre de mes histoires courtes ont ainsi fait leur chemin depuis que je les fais concourir dans des publications exceptionnelles ou que je les propose dans des éditions d’anthologies ou de revues. Le marché reste cependant frileux pour l’édition en recueil (paradoxe français ? ou auteur trop inconnu ?).
Depuis que je publie, seul Bernard Giusti, le sympathique patron des discrètes éditions de L’Ours Blanc, avait relevé le défi ! Et Mécomptes de Noël se porte bien (il me reste quelques exemplaires au cas où ça intéresserait un lecteur ou une lectrice qui aurait raté la souscription et la sortie en librairie).
Mais aujourd’hui je veux partager un nouveau bonheur : une belle parution est annoncée pour 2019 ! Un recueil de nouvelles fantastiques sur la fin du monde. Génial ! Même si nous ne sommes plus si jeunes et que le thème pourrait ne pas sembler joyeux : gaudeamus igitur

Un extrait, très actuel, pour vous allécher ? Allons-y !

[…]
« Y’apud’saisons !
La scie n’a plus rien de comique.
Ce n’est même plus une scie : elle dit vrai ! Maintenant !
Un spectre glacial hante le monde : une vague de froid d’une extrême intensité le parcourt. Imprévisible et chaotique, sa taille fait qu’elle s’éternise, parfois pendant des mois. La durée d’une saison dont la seule constante serait un minimum de soixante degrés en dessous de zéro !
Qui était préparé à ça ?! À une température qui brise le fer, du nord au sud, comme une vague d’est en ouest ! Qui est préparé à ça ? Et aux conséquences ? Personne !

On a compté beaucoup de morts lors de son passage initial. Les mois suivants ont fait presque autant de victimes par les effets du dégel, de la malnutrition et des épidémies. Personne n’était préparé à ça non plus.
Rien de raisonnable n’a été organisé pendant les temps qui ont suivi – on ne savait pas encore que ce n’était qu’un répit – et quand on en a eu terminé avec les morts, les déblais et les soins, et la reconstruction, une seconde vague est arrivée.
Les services météo sont rapidement revenus en alerte permanente ; ils ont modélisé les phénomènes ; ils ont prévu qu’ils se reproduiraient… Les gens ont commencé à fuir, mais les encombrements ont créé des bouchons. Et quand les gens ont été rattrapés, qui dans sa voiture, qui dans ses baskets, qui sur son cheval ou son chameau voire son avion monoplace, ses skis ou ses raquettes, les gens sont morts comme tous les autres gens et comme précédemment.

Il y a eu les morts immobiles. Il y a eu les morts mobiles.

Il y a eu les Esquimaux perdus dans les vices et les habitudes de l’homme blanc : ils ont péri encore. Avec des regrets. Il y a eu les autres. Ils avaient conservé leurs traditions. Ils ont vécu sans se rendre compte de rien entre Thulé et le nord du Nord, entre le soleil de minuit et les aurores boréales.
Il y a eu le petit peuple des satellites. Ils sont restés mobiles en orbite en se riant des froidures de l’espace. Sans conscience, joyeux et futiles, qu’ils dépendaient de morts au sol qui auraient dû corriger leur trajectoire, et dont les remplaçants étaient dans ces encombrements ! Et que leurs trajectoires, leurs douces orbites, eh bien, elles allaient s’incurvant sans plus guère de correction.
Mais avant que le froid ne se renouvelle, avant qu’on ne pense qu’il deviendrait un destin, avant que l’humanité ne soit en péril, il y eut cette première vague, cette toute première ; il y eut des rescapés qui se fichaient du cinoche et du destin, qui, râleurs, voulaient seulement vivre…
Il y a eu Jérôme Varanton.
Profession ? Survivant !
Jérôme Varanton ? Un naïf, certainement ! Comme beaucoup de ceux qui émergèrent de la première vague en bon état. Un des rares pourtant dont nous ayons le témoignage écrit, à travers le journal qu’il nous a laissé.
Voici son histoire.

Mon nom est Jérôme Varanton. Rien n’annonce la fin de la catastrophe ; je veux rédiger un journal – je ne sais pas si je peux l’appeler ainsi. Ou “compte-rendu” ? J’ai juste envie de raconter ce qui m’est arrivé et comment se passe le quotidien, au jour le jour. Je ne veux pas faire de tri. Écrire ce qui me passe par la tête, rien que pour ne pas perdre les pédales. Alors je vais écrire aujourd’hui, et encore demain. Si j’ai un demain. Ou si ce papier en a un : d’ici quelques jours, je peux me voir obligé de m’en servir pour ma survie plutôt que pour rédiger mes mémoires ou mes dernières impressions. Renoncer aux uns, mes mémoires, afin de pouvoir encore raconter les autres, mes souvenirs, est un drôle de pari dans l’état actuel. Je ne sais pas dire à l’avance ce que je déciderai.
Je commence ce journal […] »