mardi 19 août 2014


Conclusions pour coeurs volages


« Ne nous laissons pas emporter par les fureurs du politique et de son bras armé : l’administration ! »
     C’est vite dit, les politiciens ont décidé de ne pas nous laisser en paix, ni en baissant les taxes, ni en levant les bras : ils continuent impunément de nous faire les poches au profit des leurs jouissances.
     Robespierre ! Sale traître !
     Et quand il ne serait question que d’argent : ce qui permettrait aux plus humbles de vivre et de mourir décemment, rien ! C’est aussi aux marchands…
     Ô siècles sans vertus dont la charité et la compassion sont exclues ! Ô siècles de vendeurs et d’industries ! Ils disent qu’une vie à leurs ordres, c’est-à-dire misérable, vaut mieux que pas de vie du tout.
     Amis de la base, suicidez-vous par milliards, on verra de facto sur qui repose toute puissance ! 

Au Lion d'Androclès


La ville ressemblait à l’univers. C’était
Cette heure où l’on dirait que toute âme se tait,
Que tout astre s’éclipse et que le monde change.
Rome avait étendu sa pourpre sur la fange.
Où l’aigle avait plané, rampait le scorpion.
Trimalcion foulait les os de Scipion.
Rome buvait, gaie, ivre et la face rougie ;
Et l’odeur du tombeau sortait de cette orgie.
L’amour et le bonheur, tout était effrayant.
…………………………………………
Bagne effrayant des morts, pilori des néants,
Saignant, fumant, infect, ce charnier de géants
Semblait fait pour pourrir le squelette du monde.
Des torturés râlaient sur cette rampe immonde,
Juifs sans langue, poltrons sans poings, larrons sans yeux ;
Ainsi que dans le cirque atroce et furieux
L’agonie était là, hurlant sur chaque marche.
Le noir gouffre cloaque au fond ouvrait son arche
Où croulait Rome entière ; et, dans l’immense égout,
Quand le ciel juste avait foudroyé coup sur coup,
Parfois deux empereurs, chiffres du fatal nombre,
Se rencontraient, vivants encore, et, dans cette ombre,
Où les chiens sur leurs os venaient mâcher leur chair,
Le césar d’aujourd’hui heurtait celui d’hier.
Le crime sombre était l’amant du vice infâme.




                                                             Hugo, La Légende des Siècles

Méditations


(à mon irréductible et revêche swami)

     Tu n’as aucune seconde chance ! Vis ou regrette.

     Le plus dur est passé ? Es-tu mort cette nuit ?

     Cesse de te comporter comme si tu pouvais éviter quelque chose. Investis ton énergie dans une vraie vigilance de tous les instants, une concentration émue et une attention tendre : veille à tout moment à mon approvisionnement en pâtes fraîches, en huile aux truffes et en vins dorés du Jura.

     Transmettre ? Espèce d’âne ! Tas de sottises incommensurables. Tu veux transmettre ton inanité ? Honte sur toi ! Cache ton visage. Donne-moi le baquet de cendres…

     Aucune parole ne peut nuire… Sauf la tienne certaines imprévisibles fois. Tais-toi !
 

     Il n’y a pas de bonheur qui ne puisse être gâché. Depuis que tu es mon élève, j’ai eu cette révélation. Je te remercie.

     Tu dis que certaines personnes feraient mieux de se taire. As-tu seulement fait l’expérience du silence, espèce de bavard ?

     Il n’est pas permis de rêver. Le rêve est trop bon de nous tolérer.

     Dis tout ! De toute façon tout le monde s’en fout et tu rates la vérité de toutes les façons.

     Tu travailles à ton rythme ? Vantard, tu ne sais pas ce qu’est travailler, ni ce qu’est la musique. Si c’est pour que je monte le son de la radio, je te facturerai les piles.

     Apprendre à son rythme est la dernière sottise pédagogique. Apprends le rythme d’abord.

     On ne peut pas tout faire. Surtout toi. Assieds-toi et apprends à rester immobile. Cela devrait t’être suffisamment difficile pour que tu sois occupé pendant quelques années à autre chose que des bêtises et des maladresses.

    Cesse de chercher à être créatif, tu vas te blesser.



Nouvelle


Partie (suite à la livraison 13) d’un texte en cours de rédaction : plus vraiment au stade plan ni brouillon, évidemment inachevé.

                                                       Questions-Réponses

Après la prise de pouvoir des cafards, un jeune manager arrive enfin quelque part.
 En fait il ne s’agit pas d’une histoire au sens classique du terme, mais d’un témoignage, d’un commentaire, d’un long monologue qui émarge à l’allusion littéraire et à la science-fiction, à la biographie plus qu’à la mémoire. À ce titre, l’objection la plus constructive concernera la véracité de l’arrière-plan. La solution serait-elle de préciser, comme au théâtre, le déroulement, le lieu et le décor de la scène en un paragraphe en italiques au début, et un autre à la fin ?

     Sésame ouvre-toi ? Ça y est, il est tombé fou ! Ça ne marche pas comme ça ! Kesse tu crois p’tit con ? C’est pas un moulin ici ! T’es rentré, tu te balades, et tu sors comme ça te chante. Non, tu sors plus ! La curiosité a tué le chat. Et toi, t’es bientôt le chat. T’es rien de plus, et c’est pas la peine de chiquer à l’offensé, gamin. T’es à peine arrivé et tu veux tout de suite un peu de respect ? Et un minimum en plus ! Tu te sens pas trop exigeant ? Tu sais où on est là ? Le terminus ! Le bout du tunnel ! C’est pas un concept pour toi ? Ça te dit rien ?
     Le « minimum de respect » en question, c’est à quelle hauteur ? Je te pose juste la question en passant. Comme ça, pour savoir ce qu’il te faut, pour que tu puisses prendre ta place comme être humain ? Longueur, largeur et profondeur de la caisse, yep. Juste ça… Humain, c’t’une affaire de mesures.
     C’est aussi un peu en fonction du poids que tu pèses. Parce que, j’vais t’dire, les êtres euh, humains n’est-ce pas, il n’y en a pas trop dans le coin. Moi, je suis une exception, il m’a suffi qu’on accepte le dialogue... et j’ai été contaminé. Mais c’est vrai que j’étais pas comme tout le monde ici. Vieux, sournois, bas de poitrine et agressif. C’est une aide pour survivre. Peutête mon génome ? Alors si tu veux mon avis, méfie-toi. C’est tous des intrigants, et ils veulent tous être Grand Cafard à la place du Grand Cafard. Je vais te raconter, tu vas voir… ça sert à ça les vieux.
     T’as des notions sur la sexualité des cafards ? Édifiant, très édifiant. « Des p’tits trous, des p’tits trous, toujours des p’tits… » Reste pas trop sur leur trajectoire. On ne sait jamais. C’est une histoire de phéromones. Tu devrais te renseigner... Et sur les hiérarchies chez les insectes. Tu devrais te documenter avant de t’aventurer dans des galeries de ce genre. Moi ce que j’en dis c’est pour ton bien. Faut que tu survives un brin. Sans trous supplémentaires dans le dos ou l’abdomen. Mon copain Jeanval, il a préféré repartir, que porter des petits dégueulasses. Il disait qu’il aimait mieux les galères. Il a remis son galure et s’est taillé sur une dernière galéjade.
     Enfin, on ne l’a jamais revu quoi.
     Oui y a des super-alphas ici. L’élite ! Y-z-ont un code barre très long sur l’une des élytres. Ouais bon, ben va pour les jeux de mots faciles. Mais ça va te passer, tu vas voir… Moi ça fait perpète que j’ai plus le sens de l’humour. Tu pèses combien ?
     Ici, à ce niveau, j’en ai même vu qui tapaient à la machine ! Un vrai délire d’alcoolique je te dis. C’était quand je me baladais dans les couloirs. Les cliquetis ; je croyais banalement que c’étaient leurs ch’titespapattes sur le carrelage. Mais va te faire lanlaire. En passant devant une porte, je les ai vus.
     C’est le propre des cafards de faire de la bureaucratie y paraît. Mais avant, je ne savais pas.
     Y avait encore quelques vieux quand on est arrivés, les copains et moi. Ils nous ont raconté un truc ou deux. Ils répertorient tout, ces bestiaux, à ce qu’ils nous ont dit les gâteux. Et ils classent. C’est sûr. Maintenant c’est nous… Naaan, je décroche pas. T’inquiète.
     Y aurait un catalogue !
     Moi, je crois que c’est une faribole que ces vieux dingues avaient inventée. À quoi ça servirait d’abord ? Un fichier ? Où y sont tous répertoriés ces bestiaux, et les plus anciens et les plus actifs sont au sommet, et derrière, et dessous, et sur tous les octés, les côtés, je bafouille, ça grenouille… ça grouille mon petit batracien…
     Un jour, j’étais au trente-septième dessous, j’ai ouvert une porte. Y avait des classeurs partout, même au plafond et sur le plancher (ben les cafards, mec, ça grimpe n’est-ce pas) ; des rangées et des rangées. Couverts de leurs pattes de mouches sur la tranche. Avec juste la place pour qu’ils puissent passer et griffonner leurs écritures de merde. Cinquante centimètres d’espace entre, à vue de nez… Et à tout l’étage c’était pareil. Et sur tous les autres étages. Et au-dessus d’ici, pareil encore.

                           … à suivre


Hante


Essoufflé pour un temps,
Je me sens — tour de roc blanc —
Ahaner,
Dans un crépuscule étouffé

Sans rire, la nuit
(Secondes taxidermiques)
Nous allions tout droit sans respirer ni un regard de côté,
Où tout mène avec foi

Le souffle coupé, nous allions au vertige !
Pondre des quatrains à tous les vents possibles…
Sans savoir d’où nous venions
Sans entaille ni coupure

Muets, figés
Après des millions de gens mornes,
Nous suivions aussi des idoles blêmes
Comme si nous n’avions jamais, libres, chantonné.

Des chants  badins ?
Mais maintenant, vieux,
Sommes-nous plus affranchis ?
Plus heureux ?

Sotte question ! Car parfois
Je me sens tour de roc blanc
Dans la tour de roc blanc d’un crépuscule
Quand tout mène avec certitude à respirer sans sourire.

Poème présenté au Sentier des arts en septembre 2013

Fictionnaire


Cénophylaxie n.f. de « céno » vide et « phylaxie » garder.

Technique de masque et de théâtre permettant de faire croire que le crâne qui porte ce masque est autre chose que creux.

Démocène adj. de « démo » peuple et « cène » vide.

Qualifie la structure des enseignements en sciences politiques et en école d’administration. Par opposition au peuple comme finalité (dire « populiste » avec un air dégoûté), on apprend dans ces lieux à raisonner sans le peuple en partant de rien pour arriver à rien. In fine on devient capable de démontrer l’incontournabilité du rien comme seul acte possible (ben, on a réduit le nombre de lits dans les services de psychiatrie) !
Et puis l’inflation de l’égo, c’est plus propre, ça bave et ça sue moins que les masses laborieuses.

Gastropolitique n.f et adj de « gastro » ventre et « polis » ville.

Reliquat occidental de philosophie taoïste mal digérée. Il ne suffit pas de gaver les gens, il faut aussi les crétiniser pour qu’ils jugent normales des situations génératrices d’angoisses.

Hippocéphale adj de « hippo » cheval et « céphale » tête.

« Il a une tête de cheval » ne qualifie plus une attitude ou une expression, mais la perplexité face à un produit dont on ignore l’origine, la composition, ou même la finalité (a remplacé pipo, bourrage de mou, bouillie pour les chats ou lasagne).

Logophyse adj de « logos » discours et « physe » glande.

Organicule qui, hypertrophié par une éducation spécialisée dans les grandes écoles, finit par occuper tout le volume crânien. L’effet ? Oh pas grand-chose, le résultat est aussi con que tout le reste, mais il a l’avantage de la suffisance.

Microtaphe n.m de « micro » petit et « taphe » tombeau. 

Utilitaire moderne, tenant dans la poche et permettant de se débarrasser des idées, qui font rien qu’à nous embêter sur le chemin de l’inconscience béate tant désirée comme ultime objectif de consommation. Le microtaphe veille au grain et nous permet d’extirper ces reliquats de mauvaises habitudes (des idées, je vous demande un peu, pourquoi pas des pensées structurées pendant qu’on y est !) en les jetant ("communiquant" dit-on quand on dispose d’encore un peu de culture) dans l’Immense Cloaque Mondial Intertinette (ICMI).
Npc : microtaf (ultracdd (quoique ?)) et microtache (petit con)

 

Poésie


                                   Je pèse, dit l'été
 

à force de marcher,
je perds sous mes pieds la sensation des masses d’air
j’expire toute haine et encore plus de joie

à force de bouger, d’exceptionnelles fois revient la distance,
folle de bonheur, muette — sentier rythmé en ce début d’automne—
balancée comme les feuilles mortes encore à leurs potences.

au champ qui longe le bois, une femme
les bras croisés, scellés, fait face aux sillons encore frais,
— au  sillon encore frais s’enracine le cheval — muette, destituée, digne !

et quand, répétant un clic, elle prend les rênes,
la bête se traîne,
désespérant de ses abris, des caresses

Éole silencieux en perd un instant son île
(dans son sac des chants plus doux, des nudités inutiles
et d’autres colifichets) de vue, puis file

à force de parler, ne restent
à la fin de l’été
que souvenirs immobiles




                                   Sérénité évidente

 

Comment démonter une mort glorieuse ?
On voudrait ne lâcher qu’avec parcimonie
Gauche et brutal un mécanisme inélégant et grinçant
(en d’autres « termes », peste, « la Vie »…)

Comment troubler la mélodie ?
Un chant rauque, pertinent et pérenne (un canon ?)
Comment trouver les règles qui s’appliquent à l’avilissement
Et à la rectitude des orgies ?

Comment forer dans le dos, un trou
Où disparaissent les incertitudes (sans courage et silencieuses)
Avalées, dégluties, croquées, enfirouapées, reçues, gobées, ajoutées…
Pas le choix, mettre les pieds sur ce chemin qu’on use

Jusqu’à l’os glorifié
Qui ne sera jamais
Châsse et relique
Que… (dégusté)



Poèmes présentés au Sentier des arts en septembre 2013

 

Soufflenheim Association Souffle d’art — Soufflenheim Art et contes en milieu sylvestre



© Dernières Nouvelles d'Alsace, 18/09/2013

     […]
     Rendez-vous artistique désormais traditionnel depuis 4 ans, le sentier de l’art organisé par Souffle d’art de Soufflenheim n’a pas été gâté au niveau météo. Malgré tout, le public friand de belles sculptures et de tableaux illuminant quelque peu la morosité ambiante était au rendez-vous dans la forêt de Koenigsbrück.[…] Dimanche dernier, sous un ciel menaçant, la manifestation a quand même accueilli 20 sculpteurs, 7 poètes et 14 peintres dans l’écrin de verdure autour du refuge des amis de la nature et des oiseaux. […]
     Évasion, voyage et liberté
     Installés le long de la berge de la rivière et autour de l’ancien étang de pêche, les artistes, aux styles, techniques et matières diverses ont offert un merveilleux échantillon de leur talent. La peinture avec ses aquarelles, ses fusains, ses huiles réalisées sur place selon l’inspiration du moment côtoyaient allègrement les métaux, les céramiques et les bois travaillés […] lecture par les membres de l’association d’une cinquantaine de poèmes écrits pour l’occasion par une dizaine de poètes. Pour magnifier d’avantage les œuvres exposées et leur donner vie. La difficulté pour les poètes ayant été d’avoir dû composer en s’inspirant uniquement de la photographie de l’objet ou du tableau. Un travail sans filet qui a remporté un franc succès […]
[…]

Patrick GARDON

dimanche 10 août 2014

Cyrano


Je vous ordonne de vous taire !
Et j’adresse un défi collectif au parterre !
—J’inscris les noms ! — Approchez–vous, jeunes héros !
Chacun son tour ! Je vais donner des numéros !
Allons, quel est celui qui veut ouvrir la liste ?
Vous, Monsieur ? Non ! Vous ? Non ! Le premier duelliste,
Je l’expédie avec les honneurs qu’on lui doit !
—Que tous ceux qui veulent mourir lèvent le doigt.
(Silence.)
La pudeur vous défend de voir ma lame nue ?
Pas un nom ? — Pas un doigt ? — C’est bien. Je continue.

Edmond Rostand Cyrano de Bergerac Acte I Scène 4

 

Actualités


On publie de mes textes, on les distingue, je suis toujours autant ému :  

La revue Rose des temps n° 15
Sympathies
 

La revue Rose des temps n° 17
Et la neige en mes nuits


La revue Chemins de traverse n° 43
Souviens-toi
Catalogues
Pêcheurs d’esclaves
Marelle opaline


L’anthologie Flammes Vives

La fable n’était pas finie 4/2013
Oh, ce sourire 2/2014


Prix Daniel Walther au festival Summerlied 2014 pour la nouvelle

En España