jeudi 9 avril 2009





Méditations 54, 21 et 81


54 - La visitation ? Peut être cela veut-il simplement dire qu’une femme mieux qu’un homme peut être pénétrée de la force et le message de Dieu…Voilà qui sent le fagot.
 
21 - Seule une femme peut trouver de l'harmonie dans les gris. Les plus subtiles mélancolies et les meilleures gloires sont féminines. Les hommes, quand ils sont dans ces registres, ne peuvent que plastronner ou s'effondrer.

81 - Les femmes nues ne sont jamais aussi belles que lorsqu’elles sont habillées.


Méditations Incongrues, extraits du volume II : L'extase des clercs et volume III : N'ayons pas peur des mots

Appels

[…]

Ma pensée ressemble à ces chansons merveilleuses qui continuaient quand le pick-up était éteint. Si on avait la maladresse de pousser le bouton, de couper le courant en laissant l’aiguille du phono sur le disque, en tendant l’oreille et en se rapprochant des sillons, on pouvait entendre encore, le temps de l’élan, le temps de l’inertie, le temps de la course finissante de cette aiguille, entendre encore quelques vers discrets, confidences d’un monde sans électricité. Des fantômes nous parlaient en chantant.

Je la fuis depuis des années, l’impulsion de partir, de quitter mon microsillon de vie bien réglée et anxiolytique. Mais elle est en moi comme cette pointe de saphir, banderille lancée sur le tracé de mon existence en spirale, à dire des mots à la file n’ayant rien à voir avec sa matière. Un mot, quelques phrases, intelligibles parfois, aphasiques à d’autres moments, une littérature inutilement grandiloquente, des choses peu convaincantes du genre : « Voilà un chemin que tu ignores… »

J’ai régulièrement été affolée. J’ai pensé bien sûr à des hallucinations, à un délire. J’ai tout essayé, des petites pilules de bonheur aux chocolats, en passant par le sport à outrance, ou les crèmes glacées. M’étourdir avec de nombreux amants, porter des enfants, une vie professionnelle haletante, n’y ont rien fait non plus. Des maux de tête à affoler les neurologues ont laissé les scanners muets et la résonance magnétique apathique. Les gynécologues, ont évidemment parlé de syndrome prémenstruel. Un signe si régulier et constant bouleversait même les statistiques les plus sanguinolentes.

Je voulais juste vivre une vie tranquille, bourgeoise comme on dit. Toutes ces histoires de gens prenant la route, abandonnant tout ou qui prenaient conscience de l’inanité de leur existence, m’intriguaient plus qu’autre chose : on pouvait être attiré ou fasciné par un rogaton dégoûtant, par des animaux chimériques, des bestioles extraordinaires ou des gens du cirque. Un instant, rien de plus. Tel un regret, une dent qui grince, un sinus poignant et un oubli, un utérus douloureux, un instant de spasme. On rêve et puis on découvre qu’on n’est pas faite pour ce genre de réalité. On se fait une raison. Et « on » c’est moi : l’épouse, la mère, perdue dans des responsabilités des plus importantes ; plus prenantes et imposantes que tout le reste.

L’inanité de l’existence ne me tourmentait pas. Au contraire, la futilité de la vie tissait le noyau de mon refus. J’étais plutôt persuadée de l’importance de ma présence au monde. Ce qui m’affolait ? Cette conviction m’affolait ! Et les messages réguliers que je recevais… Tout concourait alors à renforcer une idée : j’étais folle, d’une folie atypique qu’aucun médecin ne pouvait identifier, une maladie orpheline dont les parents sous « x » avaient disparu ; ou bien j’avais une tumeur, mais pas repérable, par aucun appareil aussi obscènement investigateur fût-il, et dotée d’une excroissance exotique que le plus finaud des neurochirurgiens n’aurait pu aller chercher avec les aiguilles nanométriques ou les lasers bleus les plus sophistiqués.

Ou bien c’était vrai.

Voilà la cause de ma maladie ! Cette dernière option a failli m’étaler raide dingue. Parce que je n’en voulais pas. C’était de la mauvaise science-fiction. Ces trucs n’existent que dans la littérature. De la littérature de gare. Encore partir ! Mon mental toton infinitif tétait du rail ou du bitume à chaque mot aventuré.

[…]

Extrait de la nouvelle « 
J’étais si triste devant ma crème glacée » du recueil inédit Arpenteurs

Le dernier mot

- Mes sœurs Jacques
Mes sœurs Lianes
Je vous dors. Dormez-moi
Je vous rêve ; rêvez-moi
Je vous danse, dansez-moi…
Je vous chante, dites-moi ?
Je vous vante, hantez-moi.
Soyez soyeuses fantômes aventureuses
Soyez joyeuses qui soignent leurs parcours dans mon château
Et dans mes tours
Comme un fleuve en crue
Femmes
Je vous charrie, toutes nues
Comme ponts et passerelles
Je me promène
Avec vous,
Mes reines toutes belles
Au-dessus

Dames,
Blanches fleurs qui fanent
Quand leurs héros malandrins
Roi d’avenirs incertains
Flânent
Et s’égarent en chemin.

Les clochettes à mon bonnet tintinnabulent
Qui danse sur les fils de ton royaume.
Si, dédale de couloirs,
En mon passé forteresse, tu erres
Mur, je m’éternise et je me perds
Lézard entre tes fentes
Je tisse, trappeur, ma vie de bouffon funambule dans tes entes
Nettoie mon chagrin dans tes cascades et tes fluides…
Me noie dans tes méandres, tes espoirs : « Suivez le guide ! »
Suivez le bruit, suivez la plainte
Et puis
Ressaisi
Je te dors ! Tu me rêves !
Je te danse et tu me chantes.
Ça te chante, te caresse
Je te caresse et tu m’échancres
Je te hante, tu m’envoles
O ma reine du présent.

- Retiens-moi, car le vent
M’emporte
O mon roi de l’avenir
Je viens avec toi
Sur les ailes

Des soupirs...   

Méditation n° 66


Quel étonnant spectacle, une femme qui s’habille. L’objet du désir se voile et permet de relancer le désir du dévoilement. Je me plais à souhaiter que ce temps dure et dure encore pour saisir le moment quand l’envie me revient. J’en raffole.
Quel prodigieux spectacle, cette femme qui s’habille !
D’autant qu’il donne l’espoir qu’elle va enfin s’en aller.

Méditations Incongrues, extraits du volume V : Le coup de pied de l'âne