mercredi 27 janvier 2010

Un recueil d'émotions


© Dernières Nouvelles D'Alsace, Mardi 26 janvier 2010.

Délaissant un temps la science-fiction pour la poésie, le psychologue haguenovien Gabriel Eugène Kopp, écrivain à ses heures de moins en moins perdues, publie Caraïbes, remarquable recueil traduisant en vers les émotions nées de ses voyages en Guadeloupe.

Ça ressemble à un virage à 180 degrés. Le premier ouvrage du Haguenovien Gabriel Eugène Kopp, paru au printemps 2008, était un court roman de science-fiction, au style brillant, qui plongeait le lecteur dans un univers imaginaire, glacé et glaçant, Au nord-nord-ouest d'Éden. Son deuxième « bébé », sorti des presses début octobre, est un recueil de poésies baigné de soleil et de pluies chaudes, inspiré de la Guadeloupe et de ses habitants - direction, cette fois, les Caraïbes.

« Le même dessein »

Et pourtant. Si le changement de genre est incontestable, la continuité entre les deux travaux ne l'est pas moins : « c'est le même dessein », résume l'auteur. A bientôt 59 ans, ce psychologue à l'Epsan (Établissement public de santé d'Alsace du Nord) « griffonne » depuis plus de quarante ans. Ses tiroirs regorgent de pages noircies dès l'adolescence. Des nouvelles, des romans, qu'il n'a longtemps pas tenté de faire éditer. Et, donc, des poèmes, « par centaines ».
Un « travail d'orfèvre », plus exigeant, mais accompli avec le même talent. « Il est plus facile d'écrire une nouvelle, guidé par une trame narrative et des automatismes, estime Gabriel Eugène Kopp. En poésie, rien de tout ça ne fonctionne. Et chaque mot, chaque espace, chaque ponctuation doit avoir un sens. » Parmi plusieurs recueils « fabriqués » et envoyés aux éditeurs spécialisés dans le genre, c'est donc Caraïbes qui a le premier obtenu l'approbation unanime du jury de l'expérimentée association Flammes vives, qui l'a publié, à la grande fierté de l'auteur, à compte d'éditeur.

Caraïbes, collection de textes écrits ces dix dernières années à la faveur de réguliers voyages en Guadeloupe, où la fille cadette de Gabriel Eugène Kopp, océanographe, a vécu un temps, n'a rien de la carte postale du touriste ébahi. A la manière d'un peintre impressionniste, l'auteur y brosse, vers après vers, touche après touche, un tableau traversé par d'infinies nuances de lumières, d'odeurs, de goûts, de traditions, de caractères. On y sent battre le coeur de l'île, vibrer la passion « irréfragable » de l'auteur pour ses contrastes, son climat chaotique, ses habitants accueillants et solides : « Hormis le souvenir de l'eau, la caresse salée / Avec le temps, restera-t-il, / Le chaud sourire des gens de l'île, / Ce limon à la mer soufflée, / Sur cette terre barque retournée ? »

« Une posture de yoga »

« Réduire les Caraïbes à une plage blonde, un paradis où régnerait un bonheur absolu, ça serait mentir, sourit Gabriel Eugène Kopp. Et c'est impossible : un poète part d'une émotion, qu'il façonne avec ses mots, comme un sculpteur avec son ciseau. On ne peut pas travestir ses émotions. »

Des émotions qui, à l'agréable surprise de leur auteur, ont reçu un bel accueil de la part des lecteurs, pourtant rares à se plonger habituellement dans des recueils de poèmes. « La poésie m'aide à m'abstraire des difficultés quotidiennes, liées à mon métier par exemple, analyse Gabriel Eugène Kopp. En exigeant une attention au moindre détail, elle impose le silence, la paix - un peu comme une posture de yoga. Que dans le monde de fous dans lequel on vit, sa lecture permette encore à des gens de trouver ce calme intérieur, c'est un plaisir. Et c'est rassurant. »



Florian Haby

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