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Le collègue l’attendait confortablement installé dans le salon de son appartement. En sirotant un petit noir, il spéculait : le lieu était meublé avec goût et simplicité, murs noirs et mobilier blanc, transparences étudiées soulignées par les seules couleurs de la pièce, des objets posés ou apposés sur les surfaces : fruits, livres, toiles et gravures, boîtes de médicaments en théories infinies.
Des arcs-en-ciel se déployaient selon l’inclinaison d’appliques éclairant les étagères de verre. Un quatuor de Mozart en fond sonore. Wake On The Graves cassant du rythme à la cuisine, et Bauhaus jouant en soft Bela Lugosi’s Dead dans la salle de bains (il avait vu la pochette en se lavant les mains)… Rien d’anormal.
Il avait identifié les morceaux plus tard chez son disquaire favori. Celui-ci lui avait donné un sérieux coup de main, interloqué que son client, habitué au rap le plus ringard, se perde dans le post-punk gothique, le hard rock et le classique.
Il y avait bien le boa constrictor lové dans la chauffeuse blanche, tête oblongue posée sur l’accoudoir.
Il l’avait d’abord cru empaillé, jusqu’à ce qu’il joue de sa langue bifide, en même temps que la musique parvenait à sa conscience.
Tramontocchio passa dans le couloir, et rassura son équipier d’un ricanant : « T’en fais pas pour Miro, il ne mord pas ! Il m’apprend à lire… »
Le collègue ne caressa pas le serpent, ni ne comprit la blague. Il était très jeune. Il la comprit lorsqu’il raconta la singulière rencontre à son père, qui explosa de rire et lui expliqua – avec l’orthographe du nom dont le serpent avait été affublé et qui n’avait rien à voir avec la déficience visuelle de son propriétaire - quelques breloques d’antan, de l’époque qu’ils apprenaient l’alphabet, avec sa mère.
Il demanda à son fils où son ami avait son élevage de souris blanches. La maman demanda si elles avaient les yeux rouges, et si tout le monde devenait fou autour de son singulier confrère …
Rien d’anormal.
[…]
Extrait, De Gueules Pleines de Dents, nouvelle policière inédite
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