mardi 11 août 2009
Méditation n° VIII - 76
L’évasion ! Maître mot de la société des loisirs. Excellente technique pour faire oublier à tous ces convicts, et leurs chaînes, et leurs galères, et leurs geôles.
Méditations incongrues, extraits du volume VIII : Trois sous d’aphorismes, et une bière pour faire glisser, tome 2
Vocabulaire ?
Asthénopède : de 'asthéno' fatigue et 'pède' pied
Sujet qui traîne des pieds. S’applique à tous les cas, sans discriminations : fatigue adolescente, godillots trop lourds ou surdimensionnés, pantalons qui balayent le sol, pensum où l’on aimerait n’aller qu’à reculons, vacances…
Encéphaloagogie : de 'encéphalo' cerveau et 'agogie' qui conduit
Désigne les techniques de lavage de cerveau et de promotion des réflexes moutonniers comme étalon de comportement social adéquat. Etudié dans les écoles de formation de gourous et de commerciaux. Produit des esprits homéophrènes.
Homéophrènie : de 'homéo' semblable et 'phrène' esprit
Fantasme ou conviction d’avoir le même esprit, malgré les corps distincts. La manière d’être et ne plus être des lemmings adaptée aux humains et qui peut éclairer leur comportement le jour des soldes, lors de suicides collectifs ou des départs en vacances, ce qui revient au même.
Congés
Un château de sable, quatre tours, une ouverture sur la mer, des contreforts de cailloux volcaniques bien noirs. Les murs sont inclinés, épais. Le donjon central ; d’autant plus solide que le héros est de guet au sommet.
Jusque-là le mystère est préservé...
Des ouvrages d’art semblables, il y en a des centaines. Toutes les saisons d’été et toutes les plages où nous débarquons par millions, sont affublées de ces faux grès d’arènes. Imitations réussies, pénibles à voir, fantaisistes d’autres poliorcétiques plus adultes. Celles-ci, moins propices au déni, par le sang encore frais coagulant sur les murs de granits et de basaltes, prétendent résister mieux et plus anonymement aux siècles et aux érosions. Elles ne gardent ni les mêmes grèves, ni les mêmes falaises, et ne subissent pas les mêmes ravinements.
Pourtant toutes tiennent et continueraient à tenir encore les monts de nos rêves si nous ne nous avisions pas de les nommer, lieu, propriétaire, maître d’œuvre ou ravisseur : jusqu’à ce qu’elles entrent en histoire comme on dit en couches, jusqu’à ce qu’elles sédimentent la même mort qui dégoulinait dans leurs culs-de-basse-fosse. Héros et châteaux ont le bénéfice du doute jusqu’à ce qu’on leur invente une chronique, une étiquette et un annuaire.
Mais cette fois, je fus pris au dépourvu dans mes remparts, affirmations dernières et mâchicoulis incertains. Le mystère fut sali de clarté. Un gamin passa près de l’ouvrage et du brave audacieux. Un gosse en balade avec ses parents. Un mécréant de lardon. Un chiard envahisseur... Un cuistre de moutard ! Pétri de science télévisuelle, sorcier de cette nouvelle magie, il reconnut, sans hésiter une seconde, le vaillant qui veillait au grain et lui jeta un sort : il le nomma.
Il n’était personne, mon valeureux, il était sans âge, mon personne-âge. Il était heureux de sa bravoure silencieuse face à l’orage des siècles et accessoirement face à la mer qui montait
Il chut pourtant, d’abord potentiel et poétique, au rang d’homme-araignée caoutchouteux, en vente dans toutes les bonnes épiceries destinées aux parfaits petits consuméristes (PPC). L’idiot du village persista dans sa signature et fit les commentaires adéquats sur les autres plastocs de la gamme, tout en devisant, stéréophonique, avec ses parents silencieux épatés qui l’escortaient par là...
Ayant assuré le monde d’une tranquillité sans faille du fait de sa connaissance, l’hydre finit par s’éloigner avec ses implants-géniteurs et je songeais dépité que mes créatures ne devenaient, elles, des braves que lorsque je les baptisais d’une histoire originale.
La première vague de la marée montante lécha, comme pour une première dégustation, le contrefort de la citadelle « sabuleuse »... La tour ouest s’inclina...
Maudites vacances.
Trois cartes postales et puis s'en va
Et pourtant je suis revenu
Les facéties qui précèdent sont pour toi, extraterrestre joyeuse du sud galactique, rencontrée dans un établissement de bains neptunien. Tu avais si peur de ton rire, si peur de rentrer sur ta planète sans nouvelles : dans bien des endroits de l’univers le téléphone, eh bien le téléphone, ne sonne simplement plus...
Expédition par TransGal : 34 XI 2345 TGM
Extrait (de force) du recueil de nouvelles : Arpenteurs III ou Les Fins des Mondes.
Actus
Jean Pierre Dionnet parle d’Au Nord-Nord-Ouest d’Eden sur son blog L'Ange du Bizarre |
Fables de La Fontaine
Livre XI fable IV
Songe d’un habitant du Mogol
Aux champs élysiens possesseur d'un plaisir
Aussi pur qu'infini, tant en prix qu'en durée :
Le même songeur vit en une autre contrée
Un ermite entouré de feux,
Qui touchait de pitié même les malheureux.
Le cas parut étrange, et contre l'ordinaire :
Minos en ces deux morts semblait s'être mépris.
Le dormeur s'éveilla, tant il en fut surpris.
Dans ce songe pourtant soupçonnant du mystère,
Il se fit expliquer l'affaire.
L'interprète lui dit « Ne vous étonnez point ;
Votre songe a du sens ; et, si j'ai sur ce point
Acquis tant soit peu d'habitude,
C'est un avis des dieux. Pendant l'humain séjour,
Ce vizir quelquefois cherchait la solitude ;
Cet ermite aux vizirs allait faire sa cour. »
Si j'osais ajouter au mot de l'interprète,
J'inspirerais ici l'amour de la retraite :
Elle offre à ses amants des biens sans embarras,
Biens purs, présents du ciel, qui naissent sous les pas.
Solitude, où je trouve une douceur secrète,
Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais,
Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais !
Oh! qui m'arrêtera sous vos sombres asiles !
Quand pourront les neuf soeurs, loin des cours et des villes,
M'occuper tout entier, et m'apprendre des cieux
Les divers mouvements inconnus à nos yeux,
Les noms et les vertus de ces clartés errantes
Par qui sont nos destins et nos moeurs différentes !
Que si je ne suis né pour de si grands projets,
Du moins que les ruisseaux m'offrent de doux objets !
Que je peigne en mes vers quelque rive fleurie !
Je ne dormirai point sous de riches lambris :
Mais voit-on que le somme en perde de son prix ?
En est-il moins profond, et moins plein de délices ?
Je lui voue au désert de nouveaux sacrifices.
Quand le moment viendra d'aller trouver les morts,
J'aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords.
Livre XI fable V
Le Lion, le Singe et les deux Anes
Le lion, pour bien gouverner,
Voulant apprendre la morale,
Se fit, un beau jour, amener
Le singe, maître ès arts chez la gent animale.
La première leçon que donna le régent
Fut celle-ci : Grand roi, pour régner sagement,
Il faut que tout prince préfère
Le zèle de l'État à certain mouvement
Qu'on appelle communément
Amour-propre ; car c'est le père,
C'est l'auteur de tous les défauts
Que l'on remarque aux animaux.
Vouloir que de tout point ce sentiment vous quitte,
Ce n'est pas chose si petite
Qu'on en vienne à bout en un jour :
C'est beaucoup de pouvoir modérer cet amour.
Par là, votre personne auguste
N'admettra jamais rien en soi
De ridicule ni d'injuste.
Donne-moi, repartit le roi,
Des exemples de l'un et l'autre.
Toute espèce, dit le docteur,
Et je commence par la nôtre,
Toute profession s'estime dans son cœur,
Traite les autres d'ignorantes,
Les qualifie impertinentes ;
Et semblables discours qui ne nous coûtent rien.
L'amour-propre, au rebours, fait qu'au degré suprême
On porte ses pareils ; car c'est un bon moyen
De s'élever aussi soi-même.
De tout ce que dessus j'argumente très-bien
Qu'ici-bas maint talent n'est que pure grimace,
Cabale, et certain art de se faire valoir,
Mieux su des ignorants que des gens de savoir.
L'autre jour, suivant à la trace
Deux ânes qui, prenant tour à tour l'encensoir,
Se louaient tour à tour, comme c'est la manière,
J'ouïs que l'un des deux disait à son confrère :
« Seigneur, trouvez-vous pas bien injuste et bien sot
L'homme, cet animal si parfait ? Il profane
Notre auguste nom, traitant d'âne
Quiconque est ignorant, d'esprit lourd, idiot :
Il abuse encore d'un mot,
Et traite notre rire et nos discours de braire.
Les humains sont plaisants de prétendre exceller
Par-dessus nous ! Non, non ; c'est à vous de parler,
A leurs orateurs de se taire :
Voilà les vrais braillards. Mais laissons là ces gens :
Vous m'entendez, je vous entends ;
Il suffit. Et quant aux merveilles
Dont votre divin chant vient frapper les oreilles,
Philomèle est, au prix, novice dans cet art :
Vous surpassez Lambert. » L'autre baudet repart :
« Seigneur, j'admire en vous des qualités pareilles. »
Ces ânes, non contents de s'être ainsi grattés,
S'en allèrent dans les cités
L'un l'autre se prôner : chacun d'eux croyait faire,
En prisant ses pareils, une fort bonne affaire,
Prétendant que l'honneur en reviendrait sur lui.
J'en connais beaucoup aujourd'hui,
Non parmi les baudets, mais parmi les puissances,
Que le Ciel voulut mettre en de plus hauts degrés,
Qui changeraient entre eux les simples excellences,
S'ils osaient, en des majestés.
J'en dis peut-être plus qu'il ne faut, et suppose
Que Votre Majesté gardera le secret.
Elle avait souhaité d'apprendre quelque trait
Qui lui fît voir, entre autre chose,
L'amour-propre donnant du ridicule aux gens.
L'injuste aura son tour : il y faut plus de temps.
Ainsi parla ce singe. On ne m'a pas su dire
S'il traita l'autre point, car il est délicat ;
Et notre maître ès arts, qui n'était pas un fat,
Regardait ce lion comme un terrible sire.
Pourquoi j’aime
Méditation n° VIII - 104
104 - Apprendre à ne rien faire ? Tu n’es même pas capable d’arrêter correctement de respirer sans mourir. Prendre le temps de vivre ? Qu’est-ce qui te dit que tu as le temps ?
Méditations incongrues, extraits du volume VIII : Trois sous d’aphorismes, et une bière pour faire glisser, tome 2
Méditation n° VIII - 5
5 - Il n’y a rien d’autre ailleurs que ta propre misère, que tu trimbales avec opiniâtreté, alors pose ton sac, assieds-toi tranquillement, regarde le ruisseau, la forêt, le ciel bleu. Et corrige ce demi-lotus merdique !
Méditations incongrues, extraits du volume VIII : Trois sous d’aphorismes, et une bière pour faire glisser, tome 4