Les lapins ne meurent jamais...
(cf livraison 8)
Fibonacci a deux « c » ; puisque les lapins
ont deux oreilles Fibonacci est un lapin et Fibonacci ne meurt jamais, mais
Fibonacci ne connaît ni le principe de Peter, ni la LEM, Lewis Carroll est un
lapin blanc photographe d’oies blanches plumées par O’Maley, et Murphy est le
nom de mon lapin hélicoptère, alors ça va barder !
0 1 1 2 3 5 8 13 21 34 55 89 144 233 377 610 987 1597 2584
4181 6765 10946 17711 28657 46368 75025 Fn-1+Fn-2
Évidemment, je ne suis pas zéro et si je suis seul à me lire
je pourrais être seul à m’admirer. Jusque-là toute demande de rab est de la
triche, donc nous démarrerons à deux ! Hé, hé. Alors nous sommes fondés à
demander la suite.
Si deux personnes la demandent (la suite) dans les
commentaires de ce blog, je publierai le second épisode
Si trois je publierai le trois
Si 5 demandent le suivant, je montrerai le 4
Si 8 le veulent, je donnerai le 5
À 13 je me fendrai du 6
Si 21 le 7
À 34 le 8
Pour 55 le 9
Si 89 le 10
Si 144 le 11
Si 233 le 12
Si 377 le 13
À ce rythme-là le 21e chapitre (de la première
partie) sera publié à condition que 17 711 lecteurs le demandent (mais je
saurais me contenter à ce stade de « l’aient demandé ») soyons... rêveurs !
— Rêveurs —
« Le
rêveur est mort ! Le rêveur est mort ! »
Le
gamin hurlait à pleins poumons en dévalant la colline boueuse.
Tantôt
glissant, tantôt prudent, crotté graduellement de la tête aux pieds, il ne
cessait de s’égosiller, filait à droite, détalait à gauche pour répéter une
nouvelle qui, portée d’une fenêtre ouverte à une porte entrebâillée,
envahissait de plus en plus vite la bourgade.
Comme
la rumeur se propageait, enflait aussi l’agitation. Beaucoup de gens faisaient
rentrer les enfants. Pourtant il n’était pas tard ; le temps couvert et
pluvieux de cette fin d’après-midi ne parvenait pas réellement à assombrir la
lumière du printemps. Ce que le gosse au bord de l’extinction de voix
diffusait, maintenant avec moins de virulence, semblait devenir plus inquiétant
si on examinait le comportement des villageois.
Ils
étaient regroupés et des phrases compréhensibles s’élevaient parfois au-dessus
du brouhaha : « Les guerriers vont s’ennuyer… Ils vont recommencer à
se battre… les pillages… les céréales et les bêtes à l’abri. »
Le
bourgmestre parvint enfin à calmer habitants et édiles à présent réunis sur la
minuscule place du marché encaissée au centre du village. Le gamin avait été arrêté
d’une taloche par l’épouse du maire, ramené à la raison et sur les pavés du
hameau par une oreille dûment tractée et, entre temps, fortement rougie. Il
avait été prié de se ressaisir, de raconter ce qu’il avait appris, comment et
où il l’avait su. Ce qu’il décrivit alors fit tomber quelques bras, hausser
quelques épaules et fumer quelques pipes de manière plus véhémente.
Accessoirement, la pression sur son lobe se relâchant, il se sentit plus calme
et autorisé à continuer son bavardage.
Il
rameutait quelques canetons égarés dans les orties au fond des douves asséchées
du Castel des Marais lorsqu’il avait surpris un gardien en conversation avec sa
relève. Tous deux paraissaient à la fois alarmés et enthousiastes. Leur vieux
rêveur d’étoiles venait de trépasser. La guerre pouvait recommencer après que
les soldats s’étaient perdus pendant plus de cinq décennies dans l’univers
onirique. La paix réelle était enfin terminée. Heureusement, cela ferait du
bien de changer un peu et de se dégourdir les articulations dans la douleur,
hors des mondes factices. Une petite pause réalité, ça ravigoterait, ça
réveillerait les ankyloses et on pourrait à nouveau les sentir s’évanouir dans
la chaleur des muscles et des combats. La jouissance était à leur portée tant
que la population alentour ne leur aurait pas imposé mieux ! C'est-à-dire
un nouveau rêveur. Et il fallait qu’il soit bon pour les maîtriser, car leur
énergie guerrière était au plus haut !
Ils
péroraient. Fermes et excités, ils parlaient déjà du village en contrebas avec
des yeux brillants. Des rodomontades de guerriers dont le gosse rendait compte
avec quasiment de l’enthousiasme. Entre temps certains villageois, dont ses
parents, avaient commencé à le regarder de travers celui-là…
Le
gamin libéré, les gens se dévisagèrent consternés. Bien sûr, ils se
connaissaient tous, et leurs liens familiaux se tissaient jusqu’aux villages
éloignés des contreforts. Aucun d’entre eux ne ferait l’affaire, pas un seul
rêveur venu au monde dans les vingt dernières années. On avait fini par ne plus
y faire attention, engoncés dans le confort depuis trois générations. Le vieux
rêveur avait donné à tout le monde un sentiment sournois et illusoire
d’immortalité.
Malgré
l’affolement, personne ne songeait à essayer de duper les résonateurs qui
seraient chargés de sentir la présence d’un nouveau maître d’onirie. Certains
maires avaient jadis fait courir des bruits à propos d’enfants doués. Le
mensonge était un péché mal pardonné. Mourir par le fait des sabreurs était,
disait-on, la pire des morts si c’était la punition d’un jugement de fausseté.
De même le désordre et la douleur résultant d’un tel acte n’étaient pas
estimables pour la famille du menteur et la communauté qui l’entourait. On se
murmurait les pires histoires à propos des mesures de rétorsion subies dans ces
cas-là ; des affaires de membres détaillés en morceaux assez fins pour
regarder le soleil à travers… Et le détail fait à vif jusqu’à ce que les
hurlements soient infinis.
Il
fallait absolument pour la sauvegarde du village et l’intégrité des organes de
ses habitants, chercher un rêveur et planifier l’anarchie qui résulterait de ce
temps de recherches.
« Réunion
immédiate des hommes chez moi, dit le maire, toutes les femmes préparent les
stocks après avoir ouvert et nettoyé les caches à codes souterraines
! Réveillez le mage, il doit avoir les clés dans un grimoire poussiéreux.
Il est presque aussi vieux que l’était le rêveur défunt. Et fissa ! »
Deux
groupes se séparèrent et le forum improvisé dans la gadoue et terminé sur les
pavés boueux se retrouva vide.
C’est
ainsi que le cirque infernal a commencé. Cela fait à présent trois mois que le
rêveur est mort, que les guerriers ont pris le mors aux dents, agités,
frénétiques, fourbissant leurs armes dans un boucan indescriptible, du matin
jusqu’au soir et inversement, tout cela dans un désordre total.
Les
habitants des bourgs et des hameaux dans toute la vallée savent de quoi il
retourne et se sont organisés. Cette organisation a semé le désordre dans les
travaux et d’aucuns maugréent déjà que si l’on continue ainsi, il n’y aura plus
besoin des guerriers pour mener le village à sa ruine. Et puis d’ailleurs
qu’est-ce qu’ils attendent ceux-là ? Certains éleveurs dont la famille
pouvait assurer une présence auprès du cheptel, ont été envoyés au loin, avec
dans leurs bourses de quoi acheter un rêveur naturel à ses parents, ou dans
leurs mains de quoi convaincre un rêveur adulte. D’autres se sont constitués en
milices patrouillant la vallée, à surveiller les chemins et les routes d’accès
dans l’espoir de glaner des renseignements, voire par une chance insigne, de
mettre la main sur un voyageur adéquat auquel on s’empresserait de ne pas
demander son avis.
Quant
à la soldatesque, heureusement pour l’instant, il ne s’est pas trouvé de chef
pour les fédérer, eux et leur énergie. Les défis individuels, et les combats de
groupuscules bousculés devant le Castel semblent, étonnamment, leur suffire.
Mais pour combien
de temps ? Et qui sera capable d’être leur chef ?