vendredi 19 décembre 2008

Son jardin d'Eden

© Dernières Nouvelles D'alsace, Jeudi 15 Mai 2008
Edition de Haguenau

Tout vient à point à qui sait attendre. Le Haguenovien Gabriel Eugène Kopp écrit depuis l'adolescence - quarante ans d'un travail abondant et exigeant, récompensé aujourd'hui par la parution d'un brillant premier roman de science-fiction, « Au nord-nord-ouest d'Éden ».

L'équipe de la librairie haguenovienne Vincenti a le coup de coeur sélectif mais enthousiaste. Dans la vitrine de la petite échoppe de la Grand'rue, un fin livre bleuté côtoie actuellement les grands noms de la littérature. Sa couverture est partiellement masquée par une note manuscrite : « L'écriture exubérante sert à la perfection cette histoire fiévreuse, et on se laisse vite prendre au jeu de piste scientifique dont l'issue laissera les protagonistes et le lecteur abasourdis. [...] Le puzzle se transforme en embuscade cruelle dont personne ne sortira indemne. » Au nord-nord-ouest d'Éden est le premier roman de Gabriel Eugène Kopp, 57 ans. Le premier publié, en fait. Écrivain à ses heures depuis l'adolescence, ce psychologue [...] n'avait jamais, jusqu'il y a deux ans, tenté de se faire éditer. Des enfants à élever, un travail prenant, une activité grandissante de conférencier, et trop de modestie, aussi. « Mais c'est toujours resté une nostalgie, admet l'auteur. J'avais accumulé des centaines de pages, qui n'attendaient pour sortir de mes tiroirs que l'inconscience d'un éditeur. » Le premier intéressé, en l'occurrence, a été la jeune maison Griffe d'encre, près de Dreux. Au nord-nord-ouest d'Éden était au départ une grosse nouvelle, partie d'un constat : « Le monde est beau, mais depuis deux siècles, on s'ingénie à tout casser, résume Gabriel Kopp. Du fait de mon boulot, j'observe le monde en permanence. De l'intérieur, en observant les gens. On remplit leur tête avec des fantasmes d'avoir plutôt que d'être, on bride toute créativité... J'ai l'impression tenace que l'humanité va dans le mur. »

« Pessimiste gai »

Un sentiment que cet « indécrottable cartésien », « pessimiste gai », exorcise à travers les mots. En se servant, comme tous les auteurs de ce genre, de la science-fiction pour parler du monde actuel et de ses dérives. Caïn, chassé du paradis, avait pris la fuite à l'est d'Éden. Dès lors, que peut-il bien y avoir au nord-nord-ouest d'Éden ? Quel est le mystère de « Tronche de Gargouille », cet étrange cadavre retrouvé dans un glacier ? Gabriel Kopp livre ses réponses à l'issue de l'enquête captivante de ce qui est devenu, au fil de deux ans de labeur, un roman court et dense à la structure acrobatique et au style brillant. « Du plaisir de trouver une bonne idée à la douleur de voir son narcissisme égratigné par les nécessaires réécritures, j'ai plus appris en six mois de travail avec mon éditrice, exigeante et pédagogue, qu'en vingt ans d'écriture solitaire », se réjouit Gabriel Kopp. Coup d'« essai », coup de maître... De quoi renforcer la passion et l'exigence de l'écrivain qu'il a toujours été, et qui rêve aujourd'hui de continuer à laisser ses écrits s'envoler. Un deuxième roman de science-fiction devrait paraître à la fin de l'année prochaine, et des éditeurs ont fait part de leur intérêt pour des recueils de poésie, un roman de littérature « classique », un polar « glauque » dont l'action se passe sur le carreau minier lorrain où il a grandi. Gabriel Eugène Kopp n'a pas fini d'entretenir son jardin d'Éden.


Florian Haby - Photo DNA

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