Quelles nouvelles depuis l’an dernier ?
Gabriel E. Kopp vise juste
Le Haguenovien Gabriel Eugène
Kopp vient de publier Mélancolie Killers , un érudit polar d’anticipation. Ou quand certaines avancées scientifiques donnent des
sueurs froides…
Gabriel
Cette fois-ci, il s’est frotté au polar. Avec
Mélancolie Killers , paru au printemps dernier, Gabriel Eugène Kopp, livre un roman présenté par son éditeur, Rroyzz, comme « déjanté » — on n’en
attendait pas moins de l’auteur haguenovien qui, quand il se
lance, fait rarement les choses à moitié. À 67 ans, et bien qu’il ne publie ses
créations que depuis 2008, Gabriel E. Kopp a déjà signé six
recueils de poésie, cinq romans, un recueil de nouvelles et contribue
régulièrement à des revues et des anthologies.
« La réalité a coiffé ma
fiction au poteau »
Avec Mélancolie Killers , c’est la première
fois qu’il explore l’univers du polar, mais ce n’est pas pour autant un hasard
: « J’ai baigné dedans enfant, ma mère ne lisait
que cela !» Pour autant, pas question de mettre de côté
son attrait pour l’anticipation. Si ce dernier roman ne relève
pas de la science-fiction pure et dure comme La Dernière Nécropole parue en 2009, l’auteur plante son décor dans une société où se sont imposées les
nanosciences — les implantations sous la peau de «
projecteurs holographiques infradenses » y deviennent monnaie courante, ouvrant
de nouveaux horizons aux criminels et occasionnant des
mutations pas jolies-jolies.
Malgré tout, Kopp souligne avec malice dès sa
quatrième de couverture que cette fois, l’avancée des recherches des mathématiciens et physiciens « l’a pris de court ». Entre le moment où il a
écrit les premiers chapitres — dès 2012, d’abord sous
forme d’épisodes sur son blog — et la parution de Mélancolie Killers , « la
réalité a coiffé [sa] fiction au poteau » : « Désolé lecteur,
je voulais t’offrir une histoire de science-fiction, je ne peux plus que
t’offrir un livre d’Histoire ». Si, heureusement, son imagination
nourrie d’articles de revues scientifiques, a encore quelques longueurs d’avance, la violence d’un quotidien où l’assujettissement
à une technologie dont les brevets sont détenus par quelques happy few se menant une guerre féroce, fait froid dans le dos… et semble
loin d’être une simple chimère.
Entre Vautrin et Jason Bourne
Comme toujours, l’auteur alsacien manie la
langue avec précision et érudition, avec un style reconnaissable lorgnant parfois vers le poème en prose, s’amusant dans tous les registres lexicaux
— les mots rares et experts côtoient allègrement un langage
beaucoup plus fleuri.
À commencer par celui de son personnage
principal, le détective privé Jérémy « Daisy » Bihoreau, fils spirituel de « Vautrin ce merveilleux personnage cynique et pervers de Balzac, un
théoricien avec beaucoup de bagout », dans le corps d’un «
Jason Bourne — un tueur plutôt sympathique dans sa déchéance, non ? » Pas
vraiment étonnant là non plus que Gabriel E. Kopp,
cinéphile aussi averti qu’éclectique, s’inspire du 7e art. Il flotte d’ailleurs
dès le début du roman une ambiance de films de
détectives privés à l’américaine, en noir et blanc naturellement. Même si la
suite du roman, de plus en plus explosif, va plutôt
faire un tour du côté des blockbusters testostéronés. Car si l’humour est
présent au fil des pages, il n’amoindrit pas toujours la violence
des Mélancolie Killers — « tueur mélancolique, c’est d’ailleurs un pléonasme, précise l’ancien psychologue en milieu hospitalier. La
mélancolie est une pathologie réelle et gravissime qui décrit une
personne pour qui rien ni personne n’a de valeur… »
Pour sa part graphomane avéré et revendiqué,
Gabriel E. Kopp a encore dans ses tiroirs deux recueils de nouvelles et trois de poésie, qui cherchent encore leur éditeur. Dans l’intervalle, le
Haguenovien peint… avec la mesure qu’on lui connaît : il a achevé 70 toiles en deux ans. « À terme, je souhaite les réunir dans un
ouvrage avec des poésies. » Kopp n’est vraiment jamais où on
l’attend — une qualité de détective privé, non ?
CÉLINE ROUSSEAU
Dernières Nouvelles d’Alsace
EDITION DE HAGUENAU >SECTEUR
DE HAGUENAU EDITION DU 11/09/2018
Extraits de la 4e
de couverture
« Lorsque Muriel Parmelan
puis Emmanuel Millet publièrent la Dernière Nécropole (respectivement
tome 1 et version intégrale) je savais que j’écrivais de l’anticipation
[…] La chronologie restait mon alliée. Aujourd’hui avec Mélancolie Killers, le
livre que tu as entre les mains, cher lecteur, j’ai la certitude que les délais
m’ont pris de court ! Un tour de cochon : la réalité a coiffé ma
fiction au poteau !
Au-delà de la violence apparente
de ce roman, une violence authentique bien pire s’est mise en place dans le
quotidien du monde : elle assujettit les esprits, détruit les corps et la
planète (si on peut séparer ainsi ces trois entités) en fournissant des jouets
régressifs à des humains demeurés immatures. Mammon a assuré son règne !
Nous sommes tombés dans ses pièges imaginaires. La catastrophe
« permienne » est en route.
Jérémy est d’ores et déjà
obsolète : dans sa vie littéraire et dans la réalité qui nous entoure. Sa
lutte et ses crimes sont du passé. Les récentes découvertes dans les domaines
numériques, informatiques et électroniques font de mes contes et de mes fables
sur cet avenir-là de vieilles lunes égrotantes dorénavant disponibles dans les
boutiques, les objets de très secrètes recherches dans les panthéons
scientifiques ou des actualités brutales dans des officines ultraspécialisées
et discrètes… La sottise meurtrière n’a plus à être poussée par nos
infantilismes, elle est désormais immaîtrisable.
Désolé lecteur, je voulais
t’offrir une histoire de Science-Fiction, je ne peux plus que t’offrir un livre
d’Histoire. »
L’image du
double
Hommage à Vautrin et à Balzac et
secondairement aux États de la lune.
Dans mon esprit troublé par
l’écriture, lorsque j’ai entrepris la rédaction de Mélancolie Killers, il
demeurait un auteur — un monde ! — auquel je devais signaler ma
déférence : Honoré de Balzac ! Un des rares grands de la littérature
(à part Proust) qui ne m’ait jamais ni déçu ni ennuyé. Et parmi ses figures,
paradoxalement Vautrin ! qui ne m’a jamais mis en panne de fascination.
Eh oui ! Vautrin : le
bagnard, l’assassin, l’élégant, le comédien, le mime, l’immoral, l’homosexuel,
le bonimenteur, le menteur, le dangereux et efficace, le naïf et dupe Vautrin,
est de mes idoles ! Mais, cher lecteur, rassurez-vous, Don Quichotte l’est
aussi… Et dans Titi et Rominet, j’adore le chat et je lui souhaite à chaque fois
d’enfin bouffer ce sale piaf ! Pourtant je déteste les chats !
Néanmoins un de mes personnages est un chat admirable dans une nouvelle qui
paraîtra l’an prochain !
Contradictions ? Oui,
pourquoi pas ! À mon avis, seuls les fous furieux prétendent ne pas être
tissés de contradictions. Et je ne suis pas nuisible : je renonce à mes
rêves avec une facilité déconcertante, car je les écris.
Je me devais donc d’inventer un
autre héros qui soit un idéaliste, autant hors des normes et encore plus à
craindre, si je voulais étayer ma prière votive. Jérémy fut celui-là.
Et je laisse volontiers, à qui
soupire après l’inélégance, le pont aux ânes de la copie conforme du créateur
dans sa créature. Cette banalité intellectuelle et ce théisme moral à la
graisse de renoncule ne sont pas de mise pour moi. Je n’ai rien farci de moi en
Jérémy ! Je ne m’y reconnais absolument pas !
Je suis Jérémy !
Prix et
distinctions 2018
La ville de Denain, le festival Summerlied, les éditions
Flammes Vives, l’exposition Souffle d’Art, m’ont distingué d’un récompense ou
d’une contribution remarquée sur des thèmes aussi variés que,
respectivement : le développement durable, la nouvelle cuisine SF au prix
Daniel Walther, le sonnet néo-classique, le florilège de poèmes associés aux
arts plastiques…
Revues et
anthologies 2018
Parole et poésie, Chemins de Traverse, l’anthologie Flammes
Vives, Écrits du Nord, ont publié de mes textes.
2019 : un père Noël
précoce ce coup-ci !
Je n’aime guère tirer de plans
sur la comète et je ne publie par ici (blog et FB) que des évènements arrivés…
Pourtant, en 2019, on me donnera la possibilité de concrétiser une envie qui
date de l’époque de mes premiers pas dans le monde de la nouvelle.
Ceux qui me lisent savent que
nombre de mes histoires courtes ont ainsi fait leur chemin depuis que je les
fais concourir dans des publications exceptionnelles ou que je les propose dans
des éditions d’anthologies ou de revues. Le marché reste cependant frileux pour
l’édition en recueil (paradoxe français ? ou auteur trop inconnu ?).
Depuis que je publie, seul
Bernard Giusti, le sympathique patron des discrètes éditions de L’Ours Blanc,
avait relevé le défi ! Et Mécomptes
de Noël se porte bien (il me reste quelques exemplaires au cas où ça
intéresserait un lecteur ou une lectrice qui aurait raté la souscription et la
sortie en librairie).
Mais aujourd’hui je veux partager
un nouveau bonheur : une belle parution est annoncée pour 2019 ! Un
recueil de nouvelles fantastiques sur la fin du monde. Génial ! Même si
nous ne sommes plus si jeunes et que le thème pourrait ne pas sembler
joyeux : gaudeamus igitur…
Un extrait, très actuel, pour vous allécher ?
Allons-y !
[…]
« Y’apud’saisons !
La
scie n’a plus rien de comique.
Ce
n’est même plus une scie : elle dit vrai ! Maintenant !
Un spectre
glacial hante le monde : une vague de froid d’une extrême intensité le
parcourt. Imprévisible et chaotique, sa taille fait qu’elle s’éternise, parfois
pendant des mois. La durée d’une saison dont la seule constante serait un
minimum de soixante degrés en dessous de zéro !
Qui
était préparé à ça ?! À une température qui brise le fer, du nord au sud,
comme une vague d’est en ouest ! Qui est préparé à ça ? Et aux
conséquences ? Personne !
On a
compté beaucoup de morts lors de son passage initial. Les mois suivants ont
fait presque autant de victimes par les effets du dégel, de la malnutrition et
des épidémies. Personne n’était préparé à ça non plus.
Rien
de raisonnable n’a été organisé pendant les temps qui ont suivi – on ne savait
pas encore que ce n’était qu’un répit – et quand on en a eu terminé avec les
morts, les déblais et les soins, et la reconstruction, une seconde vague est
arrivée.
Les
services météo sont rapidement revenus en alerte permanente ; ils ont
modélisé les phénomènes ; ils ont prévu qu’ils se reproduiraient… Les gens
ont commencé à fuir, mais les encombrements ont créé des bouchons. Et quand les
gens ont été rattrapés, qui dans sa voiture, qui dans ses baskets, qui sur son
cheval ou son chameau voire son avion monoplace, ses skis ou ses raquettes, les
gens sont morts comme tous les autres gens et comme précédemment.
Il y a
eu les morts immobiles. Il y a eu les morts mobiles.
Il y a
eu les Esquimaux perdus dans les vices et les habitudes de l’homme blanc :
ils ont péri encore. Avec des regrets. Il y a eu les autres. Ils avaient
conservé leurs traditions. Ils ont vécu sans se rendre compte de rien entre
Thulé et le nord du Nord, entre le soleil de minuit et les aurores boréales.
Il y a
eu le petit peuple des satellites. Ils sont restés mobiles en orbite en se
riant des froidures de l’espace. Sans conscience, joyeux et futiles, qu’ils
dépendaient de morts au sol qui auraient dû corriger leur trajectoire, et dont
les remplaçants étaient dans ces encombrements ! Et que leurs trajectoires,
leurs douces orbites, eh bien, elles allaient s’incurvant sans plus guère de
correction.
Mais
avant que le froid ne se renouvelle, avant qu’on ne pense qu’il deviendrait un
destin, avant que l’humanité ne soit en péril, il y eut cette première vague,
cette toute première ; il y eut des rescapés qui se fichaient du cinoche
et du destin, qui, râleurs, voulaient seulement vivre…
Il y a
eu Jérôme Varanton.
Profession ?
Survivant !
Jérôme
Varanton ? Un naïf, certainement ! Comme beaucoup de ceux qui
émergèrent de la première vague en bon état. Un des rares pourtant dont nous
ayons le témoignage écrit, à travers le journal qu’il nous a laissé.
Voici
son histoire.
Mon
nom est Jérôme Varanton. Rien n’annonce la fin de la catastrophe ; je veux
rédiger un journal – je ne sais pas si je peux l’appeler ainsi. Ou
“compte-rendu” ? J’ai juste envie de raconter ce qui m’est arrivé et
comment se passe le quotidien, au jour le jour. Je ne veux pas faire de tri.
Écrire ce qui me passe par la tête, rien que pour ne pas perdre les pédales.
Alors je vais écrire aujourd’hui, et encore demain. Si j’ai un demain. Ou si ce
papier en a un : d’ici quelques jours, je peux me voir obligé de m’en
servir pour ma survie plutôt que pour rédiger mes mémoires ou mes dernières
impressions. Renoncer aux uns, mes mémoires, afin de pouvoir encore raconter
les autres, mes souvenirs, est un drôle de pari dans l’état actuel. Je ne sais
pas dire à l’avance ce que je déciderai.
Je commence ce journal […] »