samedi 19 février 2011

Une journée ferroviaire dans la vie d’Eugène Gabriel KOPP


      Journée de neige…
      Beaucoup de neige ? Énormément !
      Connu en Alsace ? Peut-être, mais depuis longtemps je n’avais plus pelleté tant de blanc : j’avais passé le dimanche après-midi à fabriquer de la congère jusqu’au coucher du soleil afin de pouvoir sortir Titine dès potron-minet. « Titine », bien sûr, c’est la voiture. Et potron-minet, c’est six heures du matin, minimum syndical chemindeferrique.
      J’allais à Paris ! J’allais à Paris…
      De chez moi, la gare est à cinq minutes, et sauf glissades, rien ne m’empêcherait d’embarquer dans le 16m40 !
      L’heure, c’est l’heure ! Ce fut l’heure malgré le climat : nous ne faisions que retrouver d’anciens hivers et le tortillard, même modernisé, paraissait en terres connues : il chargea sa ration d’élèves, d’esclaves et d’excursionnistes pour la caraïbe strasbourgeoise, blanche elle aussi, en l’occurrence.

      Le TGV, machine moderne sans âme et tradition, sembla d’une autre humeur. Après quelques dizaines de kilomètres de fière et rapide circulation, il dut en rabattre et, donnant de la voix, annonça, contrit ? une demi-heure de retard.
      L’extinction de voies nous frappait. La neige faisait sonner rauque le rythme du train.
      Moi qui avais planifié sans le général hiver, mais avec le redoux planétaire, l’aménité thermique promise par les cieux, j’étais confronté à un premier possible ennemi ! Mais j’avais décrété aussi que rien ne pourrait endeuiller ou pétrir d’angoisse le sourire que cette journée m’envoyait.
      Je ne me laisserais pas impressionner !

      Comme on vendait des tickets de métro dans le train, il ne restait qu’à sauter, dans la rame, gare de l’Est, direction Porte d’Orléans, et à sortir, plus précisément : Odéon ! à la minute près – après Dupuytren, la rue, pas la contracture – la porte du 16, rue Monsieur le Prince…
      Ouvre sur une salle pleine comme un œuf… Il y avait encore quelques places. Une au premier rang. Et quelques minutes plus tard, le rituel (mais qu’en savais-je) démarrait…

      Allocution du président de la SPF ; passation de parole au vice-président chargé des prix littéraires ; procédure en plusieurs temps : petite introduction historique et littéraire sur le poète patronnant la distinction, présentation du poète élu, de son œuvre, remise de diplôme, remise de médaille, serrage de pognes, séance de photo concomitante, pour finir avec la lecture d’un ou deux poèmes de l’œuvre couronnée. La lectrice, émue et prise au dépourvu, mais de bonne volonté, avait — comme il se doit — des soucis dans les styles libres, libérés et modernes, aucun avec les textes classiques et néo-classiques.

      Ainsi, vaille que vaille, entre les présents, les absents représentés ou non, les défunts, on arriva à l’apéro, court et bon enfant. Le restaurant, dix mètres plus haut dans la rue, nous servit un couscous maghrébin très fouillé, accompagné de vins, rouges ou rosés sympathiques.
      La journée valant qu’on sursoie à la diète, je fis honneur au déjeuner et après deux heures de discussions, de joyeux tapage et de francs amusements, on se quitta vers 16 h.

      Rendus à la gare, tous les voyageurs apprirent que les Très Gravement Valétudinaires nouveaux rapides avaient, cette seconde fois pour la journée, une heure de retard et que notre correspondance pour les campagnes profondes était compromise ! La suite au lendemain ? Dans un hôtel strasbourgeois à proximité de l’arrivée ? Voire !

      Dans le train, l’aimable contrôleur — cela mérite d’être souligné — interrogé nous précisa avec un sourire qu’un autobus de la SNCF partirait pour une ultime virée dans les nuits neigeuses vers 21 h 55. Inconscients, nous en fûmes rassurés : la balade, sportive, glissante et duraille, obligea les transportés à tirer leur chapeau aux vaillants automédons du rail sans rails ! Rentré à 23 h 30 ? Après ce que la journée m’avait apporté, ces retards étaient indiscutablement bénins, voire bénis !
      Me voici donc, primé et à pied d’œuvre pour une livraison d’actualité en ce carnet virtuel : vraiment, à présent que me voilà un homme public, il est temps que j’apprenne à endormir le public…

vendredi 18 février 2011


CLÉS
Confessions Lacunaires d’un Egomane Suroccupé
Ou
De la théorie du bégaiement in historiis

mercredi 16 février 2011

Version première


      Présenté par les organismes qui requièrent ses compétences de conférencier comme psychologue clinicien, psychanalyste, philosophe et théologien, il précise volontiers que cette dernière qualité et son intérêt pour la sociologie sont plutôt l’expression d’un souci de rigueur intellectuelle dans le cadre d’un métier qui implique un style particulier de lecture du monde, des hommes et des productions de leur esprit.
      Il ajoute avec un certain cynisme, comme un « ancien », que sa carrière paradoxale et chanceuse, les mouvances de la vie, le soin aux malades hospitalisés et une certaine intransigeance éthique le firent participer avec bonheur aux trente glorieuses de la psychiatrie française avant d’assister aux débuts de la déréliction marchande de ce soin prometteur et riche d’avenir : « Nous avions la possibilité de faire disparaître la maladie mentale à peu de frais et en respectant la vie des individus, il nous fallait juste du temps… »
      […]
      Loin de l’édition, il n’est jamais resté éloigné de l’écriture puisque ses conférences, cours et travaux universitaires comptent plusieurs volumes de notes, de brouillons et de textes parachevés. Ses « Méditations Incongrues » regroupent par ailleurs des réflexions moins professionnelles sur ses lectures et ses observations du monde au sens général. Des éléments de biographie, de correspondances et de poésie sont regroupés dans trois volumes titrés : Biologographies – Mythologomanies – Electrologofolies qu’il préfèrerait laisser ignorés encore un temps, notamment quant à certaines pages délicates pour les gens qui ne savent pas ce que littérature veut dire. Mais, comme pour tempérer ce germe de paranoïa, il ajoute qu’un tel risque a de tout temps été connu ; au moins depuis que les comptables laissèrent des ostraca.

      Sous le pseudonyme de Jérémy « Max » Egalter ses nouvelles littéraires en sont à leur second volume.

Fardiers et tilburys


      « Bien sûr que j’ai eu des idoles. Chaque période de ma vie semble avoir eu les siennes et si je vis encore vingt ans, peut-être en aurai-je d’autres. J’étais adolescent lorsque “The Long and Winding Road ” se borna à un succès d’estime auprès des gosses de ma génération. Moi, elle m’a toujours secrètement — l’âge était cruel — ému aux larmes, ramené sur l’avant de la scène, mais dans le trou du souffleur : sanglots, tendresses oubliées ou défectives, larmes ? Je ne sais plus, mais j’ai fini par haïr l’adolescence autant que le mot qui la désigne. Et pas seulement parce qu’il évoquait une idée de moi-même, de la vie que j’étais contraint de mener et que j’ai vite préféré oublier. Mais elle est là, cette vieille idée, cette vieille chanson. Mobilier de bureau tenace. Soudé au plancher par la rouille de l’oubli...

      Évidemment, je vais un peu mieux et depuis cette amélioration je rumine. Qui a posé le disque des Beatles à côté du petit lecteur sur la table de chevet ?
Si j’avais pu me douter... Pas de ce que j’allais devenir après avoir adulé le groupe de Liverpool, mais du fossé, de l’arbre, du ravin ! Qu’aurais-je fait si j’avais eu le don de prophétie ? Qu’aurais-je pu entreprendre ou prévoir ?
      Avertir les populations concernées par la dangerosité du site où j’allais venir me vautrer ? Battre le rappel ? Tenir des meetings avec des panneaux : « Attention, ici virage dangereux, où je vais mourir, ou presque, d’ici quelques jours ! » Qui est concerné ? Qui se sent concerné ?
      Le tocsin ? Peste ! La sirène ? Feu. Tout le monde est concerné ? Qui donc, personne sauf moi, et Cassandre fut la plus inutile des femmes puisque prévoir est à la portée de tous, mais que la vérité n’est à portée de personne. Tout le monde sait — comment mépriser l’arborescence des infinies causalités qui aboutissent à un accident —, prétendre ensuite que c’était évident que cela arrivât.
      Et chacun de fanfaronner : la météo, l’amour, le passage, la bonne clé oubliée dans un trousseau perdu, la serrure d’aucune porte et l’opinion finale. Voilà l’horizon du genre : l’opinion. Mais c’est évident, ma bonne dame, la chute du quatre-vingt-douzième étage si on fait l’équilibriste sur le garde-fou du balcon, le cancer attaché au briquet et à la cigarette, la dent cassée sur un biscuit trop sec, la fracture si on s’aventure hors des clous.
      Imprévisible qu’à la suite d’une discussion stupide et sans danger, on se retrouve le crâne fendu dans un fossé ? Voire !

      Je ne suis pas amnésique. Nous ne sommes ni au cinéma ni dans un roman plus ou moins brillant entre le policier et la confidente. L’amnésie est un luxe sans douleur pour moi. Je nage dans la confusion et je mélange tout. Je le sais, mais je n’ai aucun contrôle… et j’en souris d’un air niais.
      Je me souviens pourtant de la souffrance qui préside à chaque changement d’état : un regret comme un savoir, une prescience comme une présence du passage, un prodrome comme une déchirure ! L’amnésie sera toujours la bienvenue en ma maison. En attendant — quoi donc ? —, mon seuil reste vide et je comptabilise chaque éclair qui fouaille, puis brise, ma tête. Des contenus aberrants rajoutent une couche d’angoisse à ce qui paraît un souvenir. Je ne me souviens pas, je juge de ce qui paraît fou, et je m’en souviens, puisque je l’attribue à ma mémoire dans ma mémoire.
      Imprévisible ? Peut-être. Improbable ? Certainement pas ! Alors, le crâne encore fendu dans mon fossé j’avais envie d’écrire que prévoir serait la ruine des compagnies d’assurances. Avant de m’éteindre.
      La pensée est idiote. Mes pensées sont idiotes. Il n’y a qu’une chose qui puisse ruiner une compagnie d’assurance, ce serait d’assurer ce qui n’existe pas, rendant ainsi l’escroquerie improuvable ! Que voici un excellent moyen de prouver ce qui est réel ou non : la ruine. »

Seconde approche du bonhomme


      Présenté, du fait de ses diplômes et qualités, selon les milieux qui requièrent ses compétences de conférencier, tour à tour comme clinicien, psychanalyste, philosophe ou théologien, il précise en souriant que si cette dernière qualité, à l’instar de son penchant pour la sociologie, a toujours été une marotte atypique, elle reste l’expression d’un souci de rigueur intellectuelle plus qu’une réelle aptitude (sic). Plus doué pour les langues que pour la prophétie, inquiet face à l’édition autre que professionnelle, il ne s’est jamais éloigné de l’écriture ; ses conférences, cours et travaux universitaires, ses « Méditations Incongrues » qui regroupent réflexions, notes de lecture et avis existentiels, comptent plusieurs forts volumes.
      Il a réuni sa poésie dans un groupe séparé parce qu’il conçoit cette dernière comme indéfectiblement liée à la trame d’une existence individuelle, de son déroulement, et consubstantielle à l’adresse d’un autre profondément et sentimentalement lié.

L'échappée


      « Les rêves sont rassurants.
      Depuis qu’on a décrété leur mystère, on peut se reposer sur ses deux oreilles. Rien de ce qui y apparaît n’a de rapport direct avec une réalité quelconque. Tel est le postulat. Si je m’y vois perclus et chenu, c’est un symbole personnel, à décoder. Ce n’est en aucun cas parce que je suis courbé sous le fagot des ans et les brindilles des jours.
Voilà qui peut être apaisant.

      Je venais de me lever. La tête encore dans les fariboles d’un rêve époustouflé, j’ai entrevu au passage un visage que j’avais du mal à reconnaître.

      La salle de bain est froide. Le printemps a encore du mal à se manifester. Combien de printemps ? Mon identité aussi a du mal à se manifester. Combien d’identités ? Je fais un pas en arrière. C’est moi. Le cheveu en bataille, la mine enchifrenée, les yeux engoncés dans quelque fatigue, résiduelle depuis trop longtemps pour n’être encore que de la fatigue. Elle est déjà poche de résistance, tête de pont sur tête de lard ! Assez longtemps pour être de l’être.
      C’est le miroir, oui !
      C’est le miroir ! Il me vieillit.
      Combien de miroirs ?
      Le tain fiche le camp. Je ne vois qu’un mur tapissé dans la transparence du verre déshabillé, constellé de gris et de bruns. Pas autre chose que de méchants joints de tapisserie qu’on a planqués là derrière. Ils apparaissent maintenant parce que le teint de la glace est brouillé. Ils montrent une réalité de taches et de sutures péniblement maintenue.

      Brossage de dents… Il faut, que j’en change, cet engin, le tube dentifrice, transfiguré en mot, mérite, presque vide, en mots, lui aussi, d’aller compléter, le dictionnaire, la liste des courses… des volumes et des volumes de paperasses paperassières, de griffonneries griffonnières, pesamment entassées en couches immortelles souillées et graduelles… Des tas ! Des tas de tas ! Des labyrinthes de tas. Un vaisseau à la Robur : on devrait garder toutes les listes de courses qu’on fait dans la vie - quelle philosophie – pour un jour, formées en navire doté de voiles catafalques, décoller. On saurait même quoi brûler. Et tiens ! D’autres collections encore, volantes, roulantes ! On devrait garder ses vieilles billes aussi ! Celles en terre et celles en verre, celles en fer et celles en photos. Regarde mon petit, cette tronche bâclée, cette bille de clown avec ses ailes de papelards froissés ! C’est ton trisaïeul du côté du cousin issu de germain et de sophie. Ha ! Quelle sagesse… Voulez-vous une biographie ? Une collection de biographies ? Un système de navettes qui userait tout juste la trame, avec au bout des circuits, patatras, le motif ! La liste des courses, les poches pleines de billes...
 
      Crache ce savon au lieu de délirer. Lave-toi le nez, rase-toi cette barbe naissante – au moins encore quelque chose de naissant -, elle ne te rajeunit plus.
      Il paraît que dans la tombe, les ongles et les cheveux… Halte ! Tous les écrivains qui se respectent et se piquent de quelque inquiétude, métaphysique au minimum, l’ont déjà faite, celle-là. Si tu t’avises de l’écrire, tu n’apporteras rien. Ceci est déjà un fait !
      Ne te répète pas, vieux ! »

En rafale et de trois !


      Jérémy Max ÉGALTER, né, avec, au cœur des houillères, en 1951, 1952, 1953… que sais-je, après tout, j’idolâtrerais la vraisemblance et j’irais avoir confiance en des ragots ou des bruits qui courent, des paperasses et des ronds-de-cuir… qu’en sais-je, moi de la vérité en histoire, et de la propagation des rumeurs, après tout je ne sais pas moi-même si je suis venu au monde ou s’il s’est imposé à moi avec du sang ou du charbon dans les veines. Gare à la friction !
      Eugène Gabriel KOPP, né, oui, bon, avec une drôle de mine… et s’il était bourré quand il m’a inscrit et que sa mine a fourché ? Ce fils d’agriculteur au double emploi aura glissé sur son papier… Je suis le fruit d’une erreur d’écriture et d’une ivresse.
      Eugène Gabriel KOPP, né avec un pseudonyme (tare dominante touchant le cinquante et unième chromosome), est présenté par la presse, du fait de ses qualifications et des milieux requérant ses conférences, tour à tour comme plombier, électricien ou tisserand. Non, ça, ce sont les trois métiers que j’aurais aimé apprendre : la conduite et les jointures, l’énergie qui circule, et les superstructures. Au lieu de ça, je fais tapisserie…

      Lecteur passionné, il récuse les catégories littéraires pourvu que la qualité soit au rendez-vous. Écrivain infatigable, il a regroupé cours, travaux, maximes et propos, tant professionnels que privés, en quelques forts volumes mais a choisi d’associer dans un ensemble séparé biographie, correspondances et poésie. Car s’il pense cette dernière inséparable de la trame d’une existence, de son déroulement, consubstantielle aux lieux et à l’être d’un autre profondément ressentis, il en assume aussi les conséquences sémantiques et stylistiques : vies et courriers sont aussi vrais que l’est la poésie. On peut en apprécier la discrète illustration dans sa contribution à une anthologie sur le thème de l’absence...

mardi 15 février 2011

Trois femmes, Charlot, une lettre à des éditrices pour placer la camelote


      « Il s’agit de fils et de portes ! Non pas de fils et de pertes, élève Jaaacques : décollez votre nez de la fenêtre, il gèle à pierre fendre, sinon ce tarin finira soudé, serin taré ! Ni de rets et de trames — vous me la copierez celle-là, Dupond et Dupont ! Et ne riez pas derrière vos moustaches, droite et tordue, cent fois ! Macheprot en retenue, le “drame du pet” ! Sot ! Mexicain ! De passages — celle-là je la fais moi-même — gratuits, entre les mondes sur les fils qui les font. De nouveaux saute-ruisseaux ? Non pas. Bien plutôt des petits bateaux savamment pliés lâchés sur les eaux et leurs destins si divers. Métaphore s’entend ! Métaphoriquement, s’entend.
      J’y fais une place aussi importante aux clés qu’aux portes, aux sésames qui ouvrent les mondes et nos cavernes à nous.
Il y en a un bon nombre, de là les mille-et-un jours, vingt-et-une histoires sont prêtes, 310000 signes ; au vu des critères de réalisation, cette première palanquée devrait suffire.
      […]
      Continuons la démarche à l’américaine : la séquence me fait toujours rire de voir Charlot arpenter le désert du monde vers son destin final, face au soleil couchant, de pauvre garçon solitaire. En chapeau melon ! Personne n’a jamais pensé que c’était là une de ses critiques les plus intenses de son Amérique : il ne quitte pas les lieux avec un Stetson, diantre, il y entre avec son chapeau rond de petit grand-breton…
      Soit, il manque les vaches, mais laissons ces paisibles ruminants et ne les affublons pas de nos folies, la leur les met assez en péril. Soit, les puits font défaut, mais on saura se débrouiller sans érections et jaillissements noirâtres…Où en étais-je ? Oui, la démarche à l’américaine ! Est-ce une variante palmipède du pas de l’oie, cette manière de déambuler en canard ? Gabriel, tu t’égares ! Il faut te ressaisir et faire le camelot de ton calme lot au Camaalot de ces dames. Propose ton blot au lieu de tisser du mot, là personne n’y entrave plus que pouic. OK ? Fait la montre de l’article ! L’article ! »

La quatrième version


      Gabriel Eugène KOPP partage son temps... oui, bon, changeons de disque !
      Né dans la noirceur conviviale des mines de Lorraine, peu après la blancheur détachante de la Seconde Guerre mondiale, il a joué très tôt avec le noir et blanc comme avec de vraies couleurs. Jusqu’à ce qu’il découvre l’encre et le papier. Conférencier recherché, ancien chargé de cours, impliqué dans l’enseignement de la sémantique de l’image et dans l’action culturelle et sportive au sein des établissements de santé, il est présenté par la presse spécialisée et régionale comme pessimiste gai, féru de cinéma d’animation qu’il définit comme l’ultime refuge de la créativité audiovisuelle. Lecteur passionné, écrivain infatigable, ses cours, travaux, maximes et propos comptent de forts volumes...

Maman, j’ai mon monotone Manhattan à moi (extrait)


      « Alors maintenant, je le lui dis à lui. Je ne devrais peut-être pas. Il en a l’air si effaré. Mais aussi doucement souriant derrière ses vieilles rides oublieuses…
      Tu n’en auras pas, toi, de ces sillons qui viennent marquer dans la chair ce que la mémoire n’est plus capable de retenir et que seul le doigt attentif d’un vieux compagnon peut parcourir ou lire.

      Es ist… als ob ich aus einem Traum hinauskriechen würde, und in einen anderen Traum stolpere.  A dream ? Perhaps ? Sogno ? Mi, son dimenticato di quella... mi ricordo come un sogno !

      Lui ? ! Il n’a même pas l’écriture… Il lui manque une certaine souplesse du poignet. Cruelles litotes : il y a trop de raideur dans cet avant-bras mutilé, promontoire d’os sauvé de l’amputation par les adjoints en civil des médecins aussi maudits que les shrapnels damnés. Tous fabriqués par ceux qui ordonnent les guerres et la maintenance afférente...
      Il peut à peine signer son nom.
      Un jour il est simplement revenu de la guerre.
      C’était bien avant toi et qu’il ne te rencontre.
      C’était bien avant moi et qu’on me pense.
      Mais je n’ai pas trop envie de participer aux plans inconscients des hommes…
      Un jour il est revenu de la boucherie.
      Il ne pouvait plus signer son nom.

      Lorsque ma conscience d’enfant me permit d’avoir une mémoire d’adulte, il m’était on ne peut plus habituel, cet homme. Debout sur ses deux pieds, travailleur, courageux, violent et imprévisible — l’inquiétude de ne pouvoir nourrir les siens le taraudait autant que ses douleurs — un œil et un doigt en moins et une autre main curieuse. Mais bien des mineurs avaient des apparences pas plus normales.
      Plus tard, il raconta assez volontiers ce qu’il lui était arrivé. Il n’avait pas à rougir de ses tortures passées. Même le gouvernement de cette époque avait fini par reconnaître leur validité.
      Lorsque, pour la première fois, je le vis un été au jardin, en maillot de bain, j’eus en tête encore plus de questions. Je pus les poser et ce fut toi qui m’interrompis régulièrement, plus lasse que lui de mes enquêtes sur ce corps curieux dont tu partageais les tourments et les contradictions, les tendresses brisées et la géographie perturbée. »

lundi 14 février 2011

Cinq mystères


Né au cœur du pays minier lorrain en 1951. Présenté par la presse, du fait de ses qualifications et des milieux requérant ses compétences, tour à tour comme clinicien, psychanalyste ou philosophe. Écrivain infatigable, créateur et abuseur d’étymologie, poète plein de papiers et d’enveloppes, débordantes et vides, il ne réussit cependant pas à fatiguer les éditeurs, quelle que soit leur réponse à ses excès. Les braves...

Fictionnaire


Androplastie n.f. de 'andro' homme et 'plastie' modelage

- Trait de caractère masculin. Les hommes parlent de capacité d’adaptation, les femmes de mensonge.

-Maladie génétique touchant les chromosomes sexuels, l’androplastie voit s’ajouter la mythomanie compulsive aux attitudes d’imitation inconsciente et incontrôlables du syndrome de Selig-Allen (cf. Complexe du caméléon).

Céphalopoïétique adj. de 'céphalo' tête et 'poïétique' action de fabriquer

- Caractérise chez un humain une attitude de négation systématique de ses origines ou de son histoire personnelle ; les stratégies visant à se faire une autre tête ; les délires biographiques.
- Comportement de montre ludique chez certains palmipèdes légendaires.
- Se dit d’un mensonge sordide visant à en faire accroire quant à ses origines supérieures voire divines (employé avec le substantif cranioastre).

Crânioastre n.m. de 'cranio' crâne et 'astre' étoile

Spécial mégalo-mytho. Utilisé avec l’adjectif céphalopoïétique.

Inflatomégalien n.m. 'inflato' gonfler et 'mégalien' grand

- Résultat de l’association et de la réussite réelle ou délirante des deux précédents. Quoiqu’il en soit, a sa place dans un bocal.

- Membre d’une secte d’origine française créée sur le modèle américain. Se caractérise par son ignorance crasse de la réalité et sa conviction criminelle de détenir la vérité. Réunions régulières et confidentielles dans un palais au nom de whisky frelaté (n’importe quel local poubelle d’un immeuble de zone suffirait pourtant, vu le nombre de membres présents) d’où les assistants prétendent gérer le monde. L’Association Mégalunienne a été créée le 27 Juillet 1793.
- Politicien.

Six superconstellations sans passagers


      Né au cœur du pays minier lorrain en 1951, il est présenté par la presse, tour à tour comme clinicien, psychanalyste, philosophe, nouvelliste et romancier. Écrivain infatigable, il a réservé à la poésie une place particulière : inséparable de la trame d’une existence, elle cherche pourtant à dire l’écart essentiel qui nous lie aux êtres. Depuis 2004 on peut trouver de ses textes ailleurs que dans sa tête ou sur son bureau : au fond de sa corbeille...
      À choisir ?

      Né au cœur du pays minier lorrain en 1951, il vit en Alsace depuis plusieurs décennies. Clinicien, philosophe, nouvelliste et romancier, sa première novella, chez Griffe d’Encre, a été nominée aux Utopiales en 2008. Récusant les catégories littéraires, il réserve pourtant à la poésie de dire l’écart essentiel qui nous lie aux êtres et aux choses. Ses poèmes se trouvent chez Flammes Vives, chez L’Ours Blanc et sur http://lesmeditationsincongrues.blogspot.com.
      Ou encore 

      Même si la littérature me donne la vie, je n’ai pas besoin de vivre de la littérature. C’est sans condition, sinon que l’œuvre soit lue.
Mais la nécessité du style primera tout : évidemment, je ne tiens pas à être édité à tout prix, entendez que je ne suis pas forcément enragé par ce que j’écris au point de penser que ça ne peut s’améliorer, et d’aller au compte d’auteur sans vouloir jouer le jeu d’une lecture critique pour améliorer les choses. 

dimanche 13 février 2011

Les mille-et-un jours


Du même auteur

Publicité Bien Ordonnée (nouvelle, on line) 2004 Cafard Cosmique
La Plainte Du Buffle (nouvelle, on line) 2004 Cafard Cosmique
La Fuite (nouvelle, on line) 2004 Cafard Cosmique
Ce soir de Juillet (poème, in Anthologie) 2007 Flammes Vives
Au nord-nord-ouest d’Éden (roman) 2008 Griffe d’Encre
La Plaine Mer (poème, in Honfleur essai) 2008 Flammes Vives
Nuit Amant (poème, in Anthologie) 2008 Flammes Vives
Le voyage pluriel du porte-esprit Paracata (roman, extrait) 2008 Ours Blanc
Chirurgie Chatte (poème, in Anthologie) 2008 Flammes Vives
Je ne suis plus amoureux de toi (poème, in Chemins de Traverse, 33) 2008 Ours Blanc
Nouvelle Orléans (poème in Chemins de Traverse, 33) 2008 Ours Blanc
Ourse (poème, in Anthologie) 2009 Flammes Vives
Caraïbes (recueil, poésie) 2009 Flammes Vives
Le jour (poème in Anthologie) 2009 Flammes Vives
La dernière nécropole (roman) 2009 Griffe d'Encre
Mon coq (poème, in Anthologie) 2010 Flammes Vives
Fosses Communes (poème, in Chemins de Traverse, 36) 2010 Ours Blanc
Futurs (poème, in Chemins de Traverse, 36) 2010 Ours Blanc
Reliques de rêves (poème, in Chemins de Traverse, 36) 2010 Ours Blanc
Échelle de Richter (poème, in Anthologie)
2010
Flammes Vives
Mots de Passe (recueil, Prix Jean Cocteau 2010, SPF) En cours d'édition

Enfin sérieux : le Retour de la Vengeance de la Vraie biographie


      G.E.K. a été nourri dès son enfance d’histoires fantastiques et de contes par une mère photographe professionnelle, lectrice effrénée, diseuse de bonnes et terribles aventures, et un père dingue de Spike Milligan. Il a passé une partie de sa vie à écouter d’abord, à raconter ensuite, à trembler dans son lit toujours,  à écouter encore, à lire tout ce qui lui tombait sous les yeux pour éviter le regard des adultes, à fureter dans tous les coins pour finir par écrire… des comptes-rendus scientifiques et des histoires tordues.
      Né dans la noirceur conviviale des mines de Lorraine, peu après la blancheur détachante de la Seconde Guerre mondiale, il a joué très tôt avec le noir et blanc comme avec de vraies couleurs. Jusqu’à ce qu’il découvre l’encre et le papier. Alors, il s’est entouré de paperasses pleines de ses hiéroglyphes et de milliers de livres, méditant d’y ajouter les siens comme éléments supplémentaires d’une bibliothèque de Babel personnelle, échelle de Jacob vers le ciel littéraire, contributions farenheitiennes au bordel ambiant.
      Conférencier recherché, ancien pêcheur de sardines en boîte sur un baleinier de parapluie, sectateur fanatique du Concombre Masqué ( décoré du Cordon de Grand Patatozeur), chargé de cours en faculté, chargé d’années perdant ses facultés, paradoxe en nœud papillon et borsalino, impliqué dans l’enseignement de la sémantique de l’image avec un tour de biceps de 45 cm, et dans l’action culturelle et sportive au sein des établissements de santé, il est présenté par la presse spécialisée et régionale comme clinicien, psychanalyste, philosophe et théologien. Il précise volontiers que cette dernière qualité, de même que ses intérêts pour la sociologie et les bandes dessinées de F’murr, sont plus l’expression d’un souci de rigueur intellectuelle qu’un intérêt fondamental, tout comme sa sollicitude affectueuse pour les loups dans les histoires de chaperons ou de chevreaux, et ceci, dès une enfance placée sous l’égide du respect de l’écologie, des pyramides alimentaires fantasques, de la haine de ces gosses crédules à nattes blondes ou en culottes courtes qui font rien qu’à l’embêter, et de la rente de son psy lors des trente dernières années. Qui a réussi à lire cette phrase ?
      Pessimiste gai à l’instar de Voltaire, féru de cinéma d’animation qu’il définit comme ultime refuge de la créativité audiovisuelle, ce gastronome raffiné, amateur et pratiquant du moka éthiopien et du whisky pur malt, deux arts martiaux exigeants, de Tex Avery érigé en système, de poésie préromantique — fou d’André Chénier pourtant, parce qu’il hait la Terreur sous toutes ses formes —, de littérature française, « la dernière chose qu’il nous reste », et de parfums exotiques, ce nouvelliste acharné et romancier optatif, lorsqu’il prend la plume, s’essaye à tous les genres, en même temps parfois. Le résultat, pataquès risqué, laisse à ses lecteurs épisodiquement, ouf, et à ses éditeurs souvent, les braves, un sentiment d’étrangeté voire un singulier aveuglement quant à son génie primesautier : l’uniformisation y gagne, la mort thermique de l’univers approche d’un pas de plus, ses aficionados — quatre personnes environ — sont dans les affres du manque.
      Lecteur passionné, critique subtil, surtout les soirs où la dive bouteille, une femme séduisante, la douceur de l’été ou les exercices au saxo alto ont enfin réussi à lui déplomber la langue, il est nourri de Freud aussi bien que de Perry Rhodan et de Bird, d’Eugène Sue et du Hollandais Volant dès son plus jeune âge, de Gide, d’Agatha Christie et des sagas des Niebelungen un peu plus tard, de Malraux, de Swift et de Melville à l’adolescence, d’Homère et Alexandre Dumas dans la maturité, de textes scientifiques, religieux et philosophiques de tout acabit en tout temps, en version originale, ou en version sous-titrée pour peu qu’on en eût fait un téléfilm à  l’ORTF avec Léon Zitrone dans le rôle de la voix off.
      Son rêve secret ? Faire, au TNP, déguisé en ALF, une mise en scène de la Critique de la Raison Pure, la tragédie de ce merveilleux dramaturge méconnu qu’est Immanuel Kant, et y tenir le rôle du presse-raquette.

      Il a publié chez Griffe d’Encre en avril 2008 Au Nord-Nord-Ouest d’Éden, une allégorie optimiste. Il y a donné ensuite une représentation pleine d’espoir spatio-temporel en quelques actes hilarants et un joyeux tombé : La Dernière Nécropole. L’éditeur Flammes Vives ayant décidé à l’unanimité de son jury de correcteurs de livrer au public en septembre 2009, le recueil de poèmes Caraïbes, l’auteur a acheté un stock de socquettes de taille supérieure. Elles lui servent dorénavant de bonnet.

samedi 12 février 2011

Méditations


Là où Pascal propose une alternative absolue, Descartes lui, dessine une coordination des sciences vers l’élucidation d’une vérité première. Mais son projet le dépasse pour des raisons politiques et idéologiques : homme de guerre autant que philosophe, il n’a jamais oublié de se préserver de ses ennemis ! Il perdit beaucoup de temps à survivre face aux imbéciles qui comme d’habitude étaient en jouissance du pouvoir. Le larvatus prodeo — à part un jeu de mots sur la parabole de la discrétion et une interprétation des fanatiques sur la tiédeur du philosophe — est peut-être aussi un constat de ce qu’on est obligé de faire pour échapper aux canailles : multiplier mensonges et déguisements !

Méditations Incongrues I : L’art subtil de la déception, 14

Voir disparaître les siens, graduellement sentir s’emparer de soi l’inéluctable devenir, dernier rempart de ceux qui suivent, être le prochain sur la liste : quelles angoisses, quelles assurances et quel apaisement.

Méditations Incongrues I : L’art subtil de la déception, 16

Tout a déjà été dit ? Génial, alors on peut y aller ! Et sans se gêner encore !

Méditations Incongrues I : L’art subtil de la déception, 96

Histoire et littérature ne se recouvrent pas ! La science-fiction comme genre littéraire suffirait à l’homme moderne pour le prouver, dit-on. Mais je tiens quant à moi pour acquis que ces genres n’existent que depuis l’imprimerie industrielle et l’éducation obligatoire. Ce débat est cependant secondaire ; il faut avant tout préciser quelle est l’aire de ce non-recouvrement : la perspective théologique est celle qui, menant au progrès d’une lecture comme sens multiple dans un registre unique, a ouvert de facto la voie à la réflexion sur le lecteur et son acte. L’histoire nous précise alors les progrès de la diffusion du, puis des livres ; la philosophie, ajoutant sa division en théorie et pratique, livre une piste supplémentaire, celle de l’herméneutique.
Il me semble par conséquent justifié d’affirmer que la perspective historique n’a pas à s’occuper du développement continu et rigoureux d’une métaphore, mais de la définition de ce qui constitue (l’appareillage !) une archive ou un témoignage : ni une analogie, ni une anagogie, mais quasiment une « tropologie » technique. Ainsi, animée d’un fantasme inverse et d’une tautologie pour les comptes-rendus objectifs dans et par le langage, l’objectivité survit seulement dans le signe..

Méditations Incongrues II : L’extase des clercs, 32

Il y a des jours où moi aussi je me demande ce que je fous là !

Méditations Incongrues II : L’extase des clercs, 50

Si tout ce qui est écrit est vrai, nous ne pouvons plus échapper à nos rêves.

Méditations Incongrues II : L’extase des clercs, 97

Le biographe définitif moins l’infini


      1951
      Naissance en Lorraine, d’un père mineur de fond et d’une mère photographe, tous deux esquintés par la folie contagieuse des puissants.
Il échappe aux disettes d’après-guerre et aux maladies mortelles diffusées par la misère en galopant dans un paysage composite de profondes forêts, de collines vertigineuses et de vallées peuplées de vivants et de fantômes, ravagées par les trous d’obus bourrés de shrapnels où il pêche les grenouilles et les échardes, rythmées par les fouilles archéologiques abandonnées dédiées à Héra, taraudées par les puits et les chevalements.

      1964
      Fin des buissons, début des vraies études : lutte libre et gréco-romaine. Il paye sa caution à l’antiquité après deux ans d’entraînement en esquintant son entraîneur d’un retourné gagnant. Cet ex-champion de France le chasse du tapis ensanglanté en prétextant qu’il avait un mauvais fond… Il prend alors la succession du responsable chargé des clubs de lecture dans les HLM où il vit (les ouvriers savaient encore lire et venaient volontiers en débattre après leurs postes). Le proviseur du Lycée n’apprécie pas l’absentéisme ainsi généré, et encore moins le débat furieux sur le rapport entre Les Fleurs bleues de Queneau et Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K.Dick que Gabriel Kopp organise dans les couloirs du lycée transformé pour l’occasion en agora à scandale. Dépité par une étiquette d’incongruité infligée par son professeur de français, découragé par d’innombrables jeudis de colle attribués par un proviseur agrégé de grammaire et vengeur, il délaisse la littérature comparée et les attelages biscornus pour un certain temps.

      1966
      Entre à la société Astronomique de France dont il est un des plus jeunes membres et tient sa première conférence publique : « La Genèse du système solaire, mythes et réalités scientifiques. »
Il écrit ses premiers poèmes. Ses premiers poèmes sont mauvais ! À sa grande honte, ils sont publiés ! Heureusement sous un pseudonyme. Mais il s’en savait l’auteur…
Il rencontre Swami Vievinajakanda et étudie avec assiduité pendant trois années jour après jour, auprès de lui, le dernier ou presque des Yogas du Moyen Sentier qui ont survécu aux contagions occidentales.


      1969
      Premier roman (inachevé ! et ça valait mieux en ces années de désillusion et de fracture de tous les mythes).
Baccalauréat de philosophie.
Études et universités à Strasbourg.
Poèmes et nouvelles d’après-boire. Aucun souvenir les lendemains. Alors forcément inédits. Migraines tenaces. Ça vous étonne ?

(à suivre)

vendredi 11 février 2011

À Étienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville


      En 1875 ce trouble et digne personnage, guerroyant contre la mièvrerie romantique       ressuscite les rondeaux en un retour aux sources vives de la poésie. Ces fraîcheurs retrouvées sans affectation en font un homme éminemment sympathique. Ses qualités de pédagogue me le rendirent forcément respectable.

      Alors, amis lecteurs, accompagnant le Thé, le Café et le Vin,

Vous prendrez bien quelques « Rondels »
Tels que l’aimable Théodore
En composa ; et je l’adore
Pour cet humour en carrousel !

Dans mon billet trimestriel
Versifiant je vous implore
Vous prendrez bien quelques « Rondels »
Tels que l’aimable Théodore

En composa tout un missel.
Pour son humour, pour ses aurores,
Que mes coups de cœur il décore ;
Parce que j’aime… de… « Banvel »
Vous prendrez bien quelques « Rondels ».


De KOPP Eugène Gabriel

Le Thé

Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise,
Où des poissons d'or cherchent noise
Au monstre rose épouvanté.

J'aime la folle cruauté
Des chimères qu'on apprivoise :
Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise.

Là sous un ciel rouge irrité,
Une dame fière et sournoise
Montre en ses longs yeux de turquoise
L'extase et la naïveté :
Miss Ellen, versez-moi le Thé.
  
 Le Café

Ce bon élixir, le Café
Met dans nos cœurs sa flamme noire ;
Grâce à lui, fier de sa victoire,
L'esprit subtil a triomphé.

Faux Lignon que chantait d'Urfé,
Tu ne nous en fais plus accroire ;
Ce bon élixir, le Café
Met dans nos cœurs sa flamme noire.

Ne faisons qu'un autodafé
Des vieux mensonges de l'Histoire ;
Et mêlons, sans peur du grimoire,
À notre vieux sang réchauffé,
Ce bon élixir, le Café.

Le Vin

Dans la pourpre de ce vieux Vin
Une étincelle d'or éclate ;
Un rayon de flamme écarlate
Brûle en son flot sombre et divin.

Comme dans l'œil d'un vieux Sylvain
Qu'une Nymphe caresse et flatte,
Dans la pourpre de ce vieux Vin
Une étincelle d'or éclate.

Il ne coulera pas en vain !
À le voir mon cœur se dilate.
Il n'est pas de ceux qu'on frelate
Et je lirai comme un devin
Dans la pourpre de ce vieux Vin.